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Henry (1963) – fenomenologia

(MHEM)

La problématique de l’évidence appartient à la phénoménologie de la raison. I

L’analyse philosophique de l’intuition et de sa structure fondamentale, l’examen systématique des différents types d’intuition et de leurs modalités diverses, l’élucidation corrélative du champ du donné intuitif, des structures et des multiples différenciations d’ordre éidétique qu’il présente, constituent la première tâche de la phénoménologie. I

En poursuivant d’une façon rigoureuse cette tâche qu’elle se donne à l’origine de sa recherche, la phénoménologie écarte déjà bien des préjugés. I

Une telle recherche, poursuivie sous le titre de « phénoménologie rationnelle de l’ego », ne saurait constituer cependant qu’une recherche particulière. I

On manque assurément la signification de la phénoménologie de la raison si on prétend la réduire à des préoccupations d’ordre exclusivement ontique. 2

La signification de la phénoménologie de la raison demeure cependant limitée, parce que le sens de l’être sur lequel elle poursuit son travail ontologique demeure subordonné, et cela d’une façon foncière, à l’empire des régions. 2

Or, l’orientation vers une structure déterminée de l’être et, à l’intérieur de cette structure, vers un être lui-même déterminé qu’il s’agit de se rendre présent avec ses caractères propres, est au contraire caractéristique de l’intuitionnisme comme de la phénoménologie de la raison qui le prolonge et qui s’appuie sur lui. 3

La signification de la phénoménologie de la raison ne peut être qualifiée sans restriction d’« ontologique », quand la visée dernière de cette raison est la possession de l’être singulier et fini. 3

La considération thématique de l’horizon où baigne toute présence intuitive n’est certes pas exclue de la phénoménologie de la raison. 3

L’élucidation thématique de l’eidos de chaque type d’horizon constitue donc une tâche pour la phénoménologie de la raison. 3

Mais la phénoménologie de la raison qui cherche partout et qui trouve des présences dont elle veut assurer la réalisation intuitive, ne saurait assurément échapper à une contradiction qu’elle n’aperçoit pas, ni, à plus forte raison, penser celle-ci comme un caractère positif de l’essence. 3

Une telle « réalité » ne se résout pas en une somme de données dont une phénoménologie noétique ou fonctionnelle pourrait décrire d’une façon exhaustive les structures propres. 5

Au-dessus d’une telle phénoménologie, lui conférant son sens et lui assignant ses limites, se situe une discipline d’ordre supérieur, la phénoménologie transcendantale de la conscience absolue, qui consiste dans l’ensemble ordonné et systématique des recherches visant à élucider comment cette conscience confère chaque fois, et cela dans sa vie même, un sens spécifique à l’être qu’elle constitue dans l’acte par lequel elle se transcende vers lui. 5

Qu’on prenne comme fil conducteur de la recherche le système de tous les objets et de toutes les formes possibles d’objectivité, ou qu’on décrive directement les structures éidétiques de toutes les synthèses constitutives possibles de l’expérience, rien n’est changé à la situation fondamentale que la phénoménologie transcendantale vise à élucider. 5

La restitution de sa signification ontologique à la problématique de l’ego cogito est rendue possible par le dépassement qu’opère déjà la phénoménologie husserlienne quand elle s’oriente délibérément vers les problèmes constitutifs qui mettent en évidence la relation des structures de l’être avec la conscience comprise désormais comme un pouvoir d’intuition qui donne être et sens à l’objet qu’elle constitue. 5

La phénoménologie transcendantale n’est précisément possible que lorsque la réduction a accompli son œuvre en nous montrant la possibilité de réaliser, chacun pour notre propre compte, l’expérience transcendantale, c’est-à-dire l’expérience de la vie absolue et de l’ensemble des corrélats qui lui sont immanents à titre de cogitata. 5

La rétro-référence à soi-même de la phénoménologie ne pourrait avoir une signification ontologique que si l’intuition était à elle-même son propre fondement. 5

Une telle réalisation s’opère, par conséquent, à l’intérieur d’un cadre d’évidence, et celui-ci joue, à l’égard de la phénoménologie elle-même, le rôle d’un fondement ultime, quoique implicite. 5

La nécessaire subordination de la description phénoménologique et, par suite, de la phénoménologie elle-même à l’essence qui déploie l’horizon transcendantal de l’être en général, n’est pas due, remarquons-le, à l’attitude scientifique adoptée par le phénoménologue, en tant qu’une telle attitude est, par principe, d’ordre réflexif. 5

L’insertion nécessaire de la phénoménologie de l’ego à l’intérieur du contexte constitué par l’ontologie universelle ne peut être mise en cause que si c’est seulement à partir d’une élucidation du phénomène central de l’ego que l’ontologie peut acquérir sa dimension fondamentale. 7

L’ontologie, dit Heidegger, n’est possible que comme phénoménologie. » 7

L’interprétation de l’essence du fondement comme révélation originaire immanente nous amène à repenser la connexion essentielle qui unit l’ontologie et la phénoménologie. 7

En fait, le travail méthodologique de la phénoménologie est d’ores et déjà interprété à la lumière d’une philosophie de la transcendance. 7

La phénoménologie reçoit une signification radicalement différente lorsqu’elle comprend que sa tâche n’est pas de soumettre la réalité à élucider, par exemple le fondement, à un type de manifestation univoque conçu comme la vérité transcendantale universelle, mais de se demander s’il n’existe pas un autre mode de révélation dont la prise en considération peut seule nous introduire au problème du fondement. 7

La signification ultime de la phénoménologie tient en ceci qu’elle est finalement la découverte d’un « phénomène » qui est le fondement lui-même. 7

On peut se demander si ce n’est pas à la seule condition de perdre tout intérêt méthodologique que la phénoménologie est susceptible de revêtir cette signification ontologique ultime. 7

La phénoménologie est plutôt une critique de toute révélation, de ses différentes formes et de ses conditions fondamentales. 7

Lorsqu’elle est correctement comprise, la tâche de la phénoménologie apparaît dans toute sa complexité. 7

La phénoménologie est la science des phénomènes. 8

Comprise comme une description, la phénoménologie implique le rejet de toute hypothèse, de tout principe ayant une valeur unificatrice réelle ou supposée à l’égard d’un groupe de connaissances et, finalement, d’un secteur de la réalité qui trouverait en lui une règle d’intelligibilité, voire une condition nécessaire de son existence. 8

La méfiance dont fait preuve la phénoménologie à l’égard des conceptions philosophiques ou scientifiques, tient seulement au fait que celles-ci nous masquent le plus souvent une réalité dont elles oublient ou travestissent les caractères et le sens propre en pensant l’expliquer. 8

C’est à l’égard de la signification des ensembles constitués à titre de principes explicatifs que la phénoménologie accomplit d’abord son œuvre de préservation, c’est l’être des objets scientifiques et des groupes qu’ils constituent qu’elle restitue dans son intégrité en lui conférant un statut. 8

C’est la phénoménologie qui défend la science contre la tentation d’être une nouvelle métaphysique en lui interdisant de se constituer comme une réalité absolue et en opérant au contraire l’insertion des édifices et des principes abstraits dans le contexte de l’expérience humaine. 8

Si le concept de phénoménologie est facile à saisir dans sa signification négative, en tant qu’il implique la mise entre parenthèses de toutes les interprétations et constructions que la pensée théorique superpose au réel au point de prendre ses propres produits pour la réalité et de les hypostasier sous une forme absolue, sa détermination positive, précisément parce qu’elle vise à nous introduire dans le royaume de la positivité, réclame une analyse. 8

Celle-ci doit être centrée sur l’idée de phénomène, puisque, comme science des phénomènes, la phénoménologie prétend s’en tenir exclusivement à ce qui se manifeste, tel précisément qu’il se manifeste. 8

Parce qu’elle veut se fier à celle-ci et lui restituer toutes ses dimensions, la phénoménologie libère le fondement sur lequel pourront être rétablis « dans leur ancien droit la métaphysique et, en même temps, l’être et la vie, comme donnés absolus ». 8

La signification absolue de la phénoménologie se fonde ainsi sur la présence de la chose, c’est-à-dire sur son apparence. 8

Quand on interprète la phénoménologie dans une philosophie de la conscience, cette signification absolue se traduit par un dogmatisme de l’intentionnalité qui, parce qu’elle atteint l’être lui-même, est susceptible de fournir à l’ « argument ontologique » un fondement réel. 8

La signification de la phénoménologie envisagée comme méthode n’est-elle pas justement, toutefois, de poursuivre l’élucidation de « ce qui est « impliqué » par le sens du cogitatum sans être intuitivement donné », d’étendre ainsi le règne de l’apparence, c’est-à-dire celui de la lumière et de la réalité, celui de la rationalité aussi, qui trouve dans l’apparence son fondement ? Mais l’accomplissement du travail phénoménologique ne peut, malgré sa signification positive, dissiper totalement l’ombre qui entoure l’apparence et vient mettre en cause son caractère absolu. 8

Et cette interrogation se lève aussi devant nous : ce à quoi renvoie l’apparence est-il susceptible de se donner à nous, à son tour, à titre d’apparence ? Ou bien la finitude en vertu de laquelle une apparence demande toujours à être élucidée ne renvoie-t-elle pas à une finitude plus essentielle en vertu de laquelle cette élucidation n’est, en fait, jamais possible ? La loi, en tout cas, qui prescrit la mise en relation de l’apparence avec un processus phénoménologique d’explicitation, demeure étrangère à la conscience naturelle pour laquelle les apparences se succèdent, étrangère aussi à la phénoménologie aussi longtemps que celle-ci ne se comprend pas autrement que comme un positivisme, fût-ce dans ce sens élargi qui restitue au pouvoir de la vision la pluralité de ses dimensions fondamentales. 8

Mais une telle pensée demeure au niveau d’une interprétation naïve et en quelque sorte pré-critique de la phénoménologie, elle fait usage d’un concept de phénomène qui demeure en fait non élaboré. 8

La critique du positivisme signifie que la phénoménologie ne saurait se confondre avec une description d’ordre ontique, si étendu qu’en soit le champ, mais qu’elle n’acquiert sa signification proprement philosophique que lorsqu’elle se comprend dans son dessein ontologique conformément auquel elle opère ce dépassement de l’existant vers l’essence qui le fonde dans son être. 8

La phénoménologie est la science des phénomènes dans leur réalité. 8

En tant qu’elle s’attache à l’essence du phénomène, la problématique qu’institue la phénoménologie doit être comprise dans sa signification absolument universelle et fondamentale. 8

La phénoménologie est justement le savoir vrai ainsi entendu, en tant que, comprise dans sa signification universelle, elle vise à être le savoir de l’essence. 8

La phénoménologie est la science de l’essence du phénomène. 8

C’est parce qu’il comprend l’être comme l’essence du phénomène, que Heidegger peut dire que la phénoménologie est la science de l’être et, comme telle, l’ontologie. 8

Car la phénoménologie ne consiste nullement dans l’application d’une méthode monotone à des problèmes divers. 8

Il convient de distinguer ici les problèmes ultimes de la phénoménologie qui définissent le champ d’une phénoménologie première, par opposition à une phénoménologie seconde qui vise à élucider le sens de l’être dans les différentes régions. 8

Des expressions telles que « phénoménologie de l’être », « phénoménologie de l’ego », « phénoménologie du temps », sont par elles-mêmes essentiellement ambiguës, car les disciplines qu’elles indiquent risquent de se trouver juxtaposées dans notre esprit avec une phénoménologie des formes sociales ou de l’objet mathématique, par exemple. 8

Or, tandis que ces dernières recherches appartiennent manifestement au domaine d’une phénoménologie seconde, le problème se pose au contraire de savoir si la phénoménologie de l’ego ou du temps ne relève pas de la phénoménologie entendue en un sens premier. 8

Mais si une telle question ne peut recevoir sa réponse que lorsqu’aura été tirée au clair l’essence du phénomène, ce qui apparaît très nettement dès maintenant, c’est que l’objet de la phénoménologie première ne saurait lui être extérieur. 8

Cet objet, c’est l’essence du phénomène et la phénoménologie n’est rien d’autre que la mise en œuvre de cette essence en tant que, sur le fondement de celle-ci, elle vise une « élucidation », c’est-à-dire une promotion et une réalisation dans la présence. 8

La compréhension du lien qui unit la phénoménologie (en tant que phénoménologie première) et son objet se révèle cependant difficile. 8

La phénoménologie est, en effet, le mode de traitement que nous voulons faire subir à la réalité, c’est- à-dire à l’essence. 8

Ontologie et phénoménologie ne sont pas, dit Heidegger, deux disciplines appartenant l’une à côté de l’autre à la philosophie. 8

La phénoménologie est ce qui nous donne accès au phénomène compris dans sa réalité, c’est-à-dire au phénomène en tant que tel. 8

La phénoménologie se propose à nous comme un moyen, le moyen d’apporter près de nous l’essence concrète et vraie, l’essence de la présence, l’absolu en tant qu’il est la Parousie. 8

La phénoménologie recherche la Parousie de l’absolu sur le fondement de l’absolu compris comme la Parousie. 8

En tant qu’elle est l’application de la méthode phénoménologique au problème de l’essence du phénomène, la phénoménologie se meut dans un cercle. 8

Ce caractère absolu de la problématique qu’elle institue ne signifie pas que la phénoménologie soit sans présupposition. 8

La phénoménologie est une recherche qui vise à élucider son propre fondement, elle est une réflexion sur elle-même. 8

La phénoménologie est son propre objet. 8

Les problèmes ultimes de la phénoménologie se rapportent à la réflexion de la phénoménologie sur elle-même et sur son fondement. 8

C’est dans la réponse apportée à ces problèmes ultimes que se décide le sens de la phénoménologie. 8

Comment la phénoménologie peut-elle entrer en rapport avec l’essence, c’est-à-dire avec le Comment fondamental conformément auquel la réalité se réalise en se faisant « phénomène », cela dépend évidemment de la nature du « Comment ». 8

La phénoménologie se laisse guider par son objet. 8

Mais comment faut-il comprendre cet œil qui est l’absolu lui-même ? Quelle est la nature de la vision ? Quelle est l’essence du phénomène ? A cette question demeurent suspendus tous les problèmes, déjà formulés ou seulement entrevus, qui se rapportent à la phénoménologie première. 8

La compréhension du lien qui unit l’ontologie et la phénoménologie demeure indéterminée aussi longtemps que la pensée n’est pas parvenue à l’intérieur de la structure de l’essence. 8

Parce qu’il demeure subordonné à une essence non élucidée, le projet même d’une élucidation de l’essence, qui définit d’abord le travail méthodologique de la phénoménologie, demeure incertain à l’égard de lui-même, de son sens et de son fondement. 8

La détermination de la structure interne de l’essence est seule susceptible, enfin, de délimiter le champ des problèmes ultimes de la phénoménologie. 8

Elle seule peut dire si la phénoménologie de l’ego appartient à ce champ des problèmes premiers, et en quel sens. 8

La tâche d’une détermination de l’essence du phénomène apparaît ainsi comme la tâche centrale de la phénoménologie, elle s’impose à nous, et cela d’une façon d’autant plus urgente que c’est sur le fondement d’une conception inexplicitée du phénomène que la philosophie a, depuis toujours, posé et résolu ses problèmes. 8

La compréhension du statut transcendantal de l’éloignement nous invite à réfléchir sur le caractère non originaire de la signification des concepts de « proche » et de « lointain » déjà en usage dans la philosophie classique et repris par Husserl dans la phénoménologie de la raison. 9

La tâche de la phénoménologie a été définie comme l’élucidation ontologique de l’essence du phénomène. 16

Cette ambiguïté s’accroît au point d’égarer la recherche et de travestir la signification de la problématique qui vise l’essence lorsque la possibilité pour l’être de se montrer est mise en relation avec le travail méthodologique de la phénoménologie. 17

Le travail méthodologique de la phénoménologie est compris comme celui d’une élucidation. 17

Quand elle est mise en relation avec le travail d’élucidation de la phénoménologie, la possibilité pour l’être de se montrer apparaît comme une possibilité qui par elle-même n’est pas effective, une possibilité qui ne trouve précisément sa réalisation que dans et par ce travail. 17

C’est seulement lorsque la phénoménologie a accompli son œuvre que l’essence qu’elle élucide parvient dans la lumière, c’est-à-dire que l’être se montre. 17

Le premier résultat de l’élucidation du concept de phénomène a pourtant été de rendre évidente la nécessité d’opérer une dissociation entre ce travail d’élucidation qui définit la tâche de la phénoménologie et, d’autre part, la réalité du concept qui forme son objet, à savoir le surgissement de l’essence dans l’effectivité de sa condition phénoménale. 17

La manifestation de l’être, loin de pouvoir être une simple conséquence du travail méthodologique d’élucidation de la phénoménologie en est au contraire la condition, comme elle est la condition de toute manifestation possible d’un étant quelconque en général. 17

La manifestation de l’être ne se réalise donc pas dans le « enfin » de l’œuvre accomplie de la phénoménologie, mais dans le « déjà » de sa condition primitive qui est, comme telle, comme ce déjà de la manifestation pure effective qui rend possible tout comportement et toute démarche ultérieure, l’absolu. 17

Voilà pourquoi il n’y a pas d’introduction à la phénoménologie. 17

La phénoménologie est la phénoménologie de l’esprit. 17

La phénoménologie de l’esprit est la conscience elle-même. 17

La conscience est en elle-même, par suite aussi comme conscience naturelle, la phénoménologie de l’esprit, parce qu’elle est la manifestation de l’être, la Parousie de l’absolu. « 17

La Phénoménologie de l’Esprit qui s’en tient à la description de l’existence telle qu’elle est pour la conscience qui se la représente, que cette conscience soit la conscience naturelle ou la conscience philosophique, n’a donc à aucun moment affaire avec la réalité. 19

On voit, plus précisément, l’ambiguïté foncière qu’il y a dans l’obligation faite à l’en-soi de devenir pour-soi lorsque, comme c’est le cas constamment dans la Phénoménologie de l’Esprit, l’en-soi désigne la réalité de la conscience, c’est-à-dire en fait la structure ontologique originaire de l’être-pour-soi. 19

Le devenir-pour-soi de l’être-en-soi de la conscience n’est pas la phénoménologie de l’esprit. 19

La phénoménologie de l’esprit, la manifestation de la manifestation pure réside dans l’être-en-soi de la conscience qui est l’être-pour-soi originaire de l’être et, comme tel, la manifestation de la manifestation pure, la manifestation de l’esprit. 19

La « manifestation de l’esprit » dans le savoir vrai, ce que Hegel appelle improprement la phénoménologie de l’esprit, n’est pas la manifestation de l’esprit qui constitue l’essence même de celui-ci, l’essence de la conscience et de l’existence en général, elle n’est pas la réalité, mais seulement une représentation de celle-ci à l’intérieur d’un acte déterminé de la conscience. 19

La phénoménologie de l’esprit est une structure ontologique. 19

Si l’horizon de l’être est compris comme le néant, alors le problème est celui d’une phénoménologie du néant. 23

Le départ dans la réalité entre l’élément qui se montre et celui qui purement et simplement ne se montre pas, ne satisfait qu’en apparence aux exigences de la phénoménologie ; un tel départ exprime bien plutôt l’impossibilité de pénétrer à l’intérieur de ce qui rend possible la manifestation, dans l’unité concrète de la réalité dont il est seulement le démembrement et l’éparpillement dans les essences sans vie et sans lien de l’abstraction. 25

La question de savoir si la phénoménalité trouve son principe dans l’essence de l’homme peut difficilement être résolue aussi longtemps que nous ne savons pas ce qu’est l’homme lui-même, aussi longtemps que la problématique ne dispose pas du soubassement ontologique suffisant lui permettant de décider de ce qu’il en est ultimement des rapports qui missent la phénoménologie de l’ego à l’ontologie fondamentale. 26

Avec la manifestation de l’horizon où elle cherche vainement le principe d’une phénoménologie de la transcendance, c’est-à-dire du fondement lui-même, la problématique se donne quelque chose qu’elle n’a pas, car la manifestation de l’horizon n’est possible que par la transcendance, c’est-à-dire justement sur le fond de quelque chose qui lui échappe. 28

La détermination dans sa réalité de la possibilité de la manifestation de l’essence appartient à la phénoménologie du fondement. 29

Avec la phénoménologie du fondement la « Selbständigkeit » de l’essence est autre chose qu’une pré supposition, elle est ce qui se montre dans sa possibilité. 29

La distinction effectuée dans la phénoménologie husserlienne entre les contenus immanents et les contenus transcendants de l’expérience est inessentielle parce que l’essence de ces contenus précisément est la même : le pouvoir ontologique qui les rend ultimement possibles en assurant leur réception est dans tous les cas la transcendance. 30

La signification « critique » de cette affirmation qui se fait jour tout au long de la philosophie classique atteste seulement l’impuissance de celle-ci à édifier une phénoménologie du fondement, c’est-à-dire de l’essence elle-même. 31

Le concept de la réceptivité appartient à la phénoménologie. 32

Il est vrai que la phénoménologie de la perception naïve manifeste sans tarder les hésitations de celle-ci dans le mouvement par lequel elle se trouve inévitablement renvoyée, dès qu’elle s’interroge sur ce qui fait la situation d’un objet, hors de celui-ci. 42

On trouve, à vrai dire, dans la Phénoménologie de la Perception quelque chose comme le pressentiment d’une philosophie de l’immanence, lequel se fait jour justement à propos du problème qui nous occupe, celui de la situation. 44

La mise en évidence de celui-ci n’était-elle pas contenue dans la remarque selon laquelle l’impuissance de la problématique qui se meut à l’intérieur de l’horizon du monisme à édifier une phénoménologie du fondement et à donner un contenu à l’idée de la structure formelle de la « Selbständigkeit » repose sur l’impuissance de ce fondement à se produire lui-même dans la lumière de la phénoménalité ? Ainsi la dissimulation de l’essence était-elle rapportée, non à une incompréhensible défaillance de la pensée, mais à cette essence même, à la structure ontologique de la réalité. 45

C’est comme ce combat devenu conscient de soi et conduit à son terme, porté à son paroxysme, que se propose la phénoménologie elle-même si la téléologie qui l’anime et par laquelle elle se définit, est de rendre l’invisible visible, de telle manière cependant que celui-ci n’advient que dans le retour de la puissance contraire d’où il surgit. 51

Ainsi s’explique et se trouve dissipée l’illusion propre au point de vue génétique par lequel la psychologie positive prétend dépasser le cadre nécessairement trop étroit où s’enferme la phénoménologie en se limitant à la seule considération des données de l’expérience vécue, l’illusion selon laquelle la sensibilité affective et la sensibilité représentative constituent deux phases successives à l’intérieur d’un même processus d’évolution. 56

À l’origine de cette tentative est la reconnaissance, dans la diversité des structures noético-noématiques susceptibles d’être décrites par une phénoménologie pure, de corrélations d’un certain type qui s’instituent précisément entre un acte intentionnel constitué par un sentiment et son corrélât d’ordre axiologique. 62

La détermination ontologique thématique de l’être-constitué du sentiment, du sentiment sensoriel dans le cas qui nous occupe, appartient à une phénoménologie constitutionnelle dont la tâche est justement l’élucidation systématique des problèmes constitutifs. 66

Une telle phénoménologie demeure cependant étrangère, dans sa visée, aux présentes recherches et ne peut trouver place en elles. 66

La détermination ontologique structurelle et fondamentale de l’essence originaire de la révélation comme immanence et comme affectivité rend seule possible le développement cohérent et assuré de lui-même d’une problématique visant l’être de la subjectivité absolue ainsi que les questions essentielles qui lui sont liées, le développement d’une phénoménologie et d’une philosophie phénoménologique de l’expérience vécue, de l’ego, de la connaissance de soi, de la vie intérieure et de la temporalité qui lui appartient en propre, de la structure de l’expérience en général et de ses formes essentielles. 70

L’élaboration de ces questions ne présuppose pas seulement en effet une délimitation préalable du concept de la phénoménologie au traitement de laquelle elles sont soumises, parce que les réalités visées en elles appartiennent en fait à la structure interne de la phénoménalité pure elle-même et la constituent, leur détermination est identiquement celle de cette structure et la présuppose. 70

La Préface de la Phénoménologie de l’Esprit, où Hegel domine son propre système, veut à l’aide des thèses fondamentales qui seront celles de la Logique, écarter la conception, que pourrait faire naître une lecture superficielle du texte même de la Phénoménologie, d’une opposition en quelque sorte extérieure du sujet et de l’objet. 72

La dialectique de la force et celle de la vie préfigurent, d’une façon assez étrange, dans la Phénoménologie, la dialectique des consciences. 72

C’est ainsi que dans la dialectique de la lutte des consciences — dialectique qui se répète en réalité à chaque étage de la phénoménologie — la mort apparaît comme le seul moyen laissé à la liberté de faire la preuve d’elle-même, c’est-à-dire de se manifester ou, comme le dit encore Hegel, de se faire reconnaître. 76

Cette essence lumineuse, comprise dans sa signification ontologique, Hegel l’appelle dans la Phénoménologie de l’Esprit l’être pur, la substance. 77

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