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Henry (1963) – consciência e coisa

Celle-ci se réalise lorsque l’être se présente tel qu’il est en lui-même et, en quelque sorte, « en personne » à une conscience intuitive qui se trouve alors en présence de la chose elle-même et vit, pour ainsi dire, dans sa proximité immédiate. I

Cette situation se caractérise par le fait que les intentions signifiantes de la conscience trouvent un remplissement pouvant aller jusqu’à cette présence vivante de la chose elle-même, en sorte qu’au sens visé par la conscience vient alors s’adjoindre dans le noème un caractère spécifique de corporéité. I

L’évidence se produit lorsque ce remplissement s’accomplit d’une manière satisfaisante, de façon que la conscience intuitive se trouve en présence de la chose même. 3

Mais la rationalité immanente à la vie intentionnelle est-elle autre chose qu’un idéal ? Et bien que celui-ci soit justement ce qui confère à toute recherche le mouvement par lequel elle se dépasse sans cesse et s’engage dans la voie d’un progrès indéfini, n’est-il pas, cependant, à bien des égards, et en dépit de sa fécondité pratique, un idéal dangereux ? N’est-ce pas en lui que s’engendre l’oubli originel, l’oubli de l’origine et du fondement ? Le problème est celui de savoir si l’horizon qui appartient à toute conscience intuitive, en tant qu’elle est aussi et toujours une conscience non intuitive, est un élément contingent de la structure de la conscience en général, ou s’il lui appartient, au contraire, par principe. 3

Mais si la relation de la chose à la conscience fait d’elle, en tant qu’elle est une donnée phénoménologique, un absolu, la signification de celui-ci apparaît bien vite relative. 8

L’opposition, classique depuis Descartes, entre la conscience et la chose, peut-elle se recouvrir, ainsi qu’il a été fait couramment, avec celle de la conscience et de l’être ? N’est-il pas évident, au contraire, que l’analyse philosophique de la « chose » tombe sous la même dialectique et obéit aux mêmes prescriptions que celle de l’étant ? La chose, qui n’est autre que l’étant, requiert le même fondement ontologique, une essence de la chose, la choséité comme telle. 11

La chose comprise dans son unité avec l’essence qui la fonde, est-elle encore pour la conscience un terme antithétique, ou bien la conscience n’est-elle pas précisément la choséité même de la chose et, comme telle, l’essence de celle-ci ? Ce n’est pas à l’être, en fait, que suppose, dans son concept, la conscience, c’est bel et bien à l’étant. 11

L’opposition de la conscience et de la chose est la même que celle de l’être et de l’étant. 11

La connexion de la philosophie de la conscience avec le problème de la vérité compris dans sa signification ontologique universelle réside dans le fait que le concept de conscience est l’élément à l’aide duquel la philosophie moderne pense la possibilité pour la chose de se manifester, l’essence de la manifestation comme telle. 11

L’intelligence et l’action ne constituent pas, aux yeux de Schelling, deux réalités différentes et originairement séparées, elles ne sont dans l’absolu qu’une seule et même chose, ce n’est pas à l’action, c’est à « son action » que l’intelligence s’oppose, c’est-à-dire à elle-même en tant qu’active ; mais justement, cette séparation d’avec soi est la condition de la phénoménalité, une condition primitive qui fait alors surgir comme deux termes apparemment différents l’intelligence et l’action, et cela pour que la conscience puisse naître. 11

Ainsi, selon Watson, la conscience est un concept qui n’est ni défini ni utilisable, une chose fuyante que personne n’a jamais vue ni touchée, ni enfermée dans une éprouvette, et qu’il faut considérer en conséquence, au même titre que la vieille entité métaphysique et religieuse de l’âme dont elle n’est qu’un substitut moderne, comme une hypothèse incontrôlable. 11

Le lien de l’être et de l’étant, dont le fondement phénoménologique vient d’être rappelé, devient dans la philosophie de la conscience le lien de la conscience et de la chose, ou encore celui du sujet et de l’objet. 14

La signification phénoménologique du lien indissoluble qui unit la conscience et la chose est aperçue par la philosophie classique lorsqu’elle déclare que le sujet ne se connaît que sur l’objet. 14

Arriver à la conscience et être limité, c’est une seule et même chose. » 14

Cette confusion est plus grande encore, en même temps, toutefois, qu’elle s’éclaire pour nous, lorsque Sartre écrit : « Si le cogito conduit nécessairement hors de soi, si la conscience est une pente glissante sur laquelle on ne peut s’installer sans se trouver aussitôt déversé dehors sur l’être-en-soi, c’est qu’elle n’a par elle-même aucune suffisance d’être comme subjectivité absolue, elle renvoie d’abord à la chose. » 28

La nécessaire référence de la conscience à autre chose doit être comprise : c’est une référence à l’altérité elle-même. 28

En allant vers le dehors, la conscience ne va pas vers autre chose, elle va vers elle-même. 28

Aux degrés inférieurs de la vie spirituelle de l’homme, dit Fichte, l’être divin ne se révèle pas en tant que tel à la conscience… au point central de la vie spirituelle… il se découvre en tant que tel à la conscience… il entre dans la forme qui vient d’être démontrée la forme nécessaire de l’existence et de la conscience comme une image et une reproduction ou comme une notion qui se donne expressément pour une simple notion sans aucunement se faire passer pour la chose elle-même. » 38

Il n’y a pas de sphère de l’immanence, pas de domaine où ma conscience soit chez elle… pas d’intimité de la conscience », et cela parce que celle-ci, dans la vision par exemple, « ne se possède pas et au contraire s’échappe dans la chose vue ». 45

Qu’une telle obscurité soit celle de l’essence et constitue son caractère phénoménologique le plus remarquable, que celui-ci, bien plus, se trouve compris dans son opposition explicite à la lumière de l’extériorité identifiée à celle de la conscience, devient transparent à la pensée qui, précisément, pense toute chose à partir de l’essence. « 45

Lorsque ce dernier ne se laisse pas ramener à sa formulation naïve, à la simple systématisation des thèses de la conscience naturelle qui prétend s’en tenir fermement aux déterminations objectives, à ce qu’on peut voir et toucher, sa vérité apparaît dans le refus de chercher en celles-ci et dans le milieu où elles se manifestent autre chose que ce qu’elles sont en effet, les déterminations du monde. 46

A celui-ci il appartient que ce qui lui est donné originellement et d’une manière exclusive, comme constituant sa propre réalité, c’est lui-même, et cela non comme un contenu mort dans la tautologie sans conscience de la chose identique à elle-même, mais comme ce qui lui est donné, comme ce qu’il éprouve et qui l’affecte. 52

Le dépassement de la métaphysique de la volonté, le dépassement du psychologisme, ne peut s’accomplir cependant, en ce qui concerne le sentiment, celui-ci être autre chose qu’un état, l’élément ontologique de la manifestation et comme tel, ainsi que le déclare explicitement Heidegger, « un mode de la conscience de soi », un « sentiment pur », que pour autant que cet élément ontologique qui constitue l’être du sentiment se trouve saisi précisément comme le sien, comme son essence propre. 65

L’esprit, dit Hegel, se manifestant à la conscience dans cet élément, ou, ce qui est la même chose, produit par elle dans un tel élément, est la Science. » 77

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