A substância e o devir
E. Kant, Critigue de la Raison Pure, (trad. sur l’éd. Meiner, p. 235-249).
Quel que soit le changement des phénomènes , la substance demeure , et son Quantum ne subit dans la nature ni augmentation ni diminution.
Preuve. Tous les phénomènes sont dans le temps; c’est en lui seul comme substrat (comme forme permanente de l’intuition intérieure) que peuvent être représentés l’être-ensemble et tout aussi bien la succession se produisent selon la loi de la liaison de la cause et de l’effet ».]]. Le temps, donc, à l’intérieur duquel tout changement des phénomènes doit être pensé, demeure et il ne change pas . Mais le temps ne peut être perçu en lui-même . En conséquence il faut que soit atteint dans les objets de la perception, c’est-à-dire dans les phénomènes, le substrat qui représente le temps comme tel , le temps dans lequel l’alternance et la constance peuvent être appréhendées grâce au rapport des phénomènes à lui. Mais le substrat de tout le réel, c’est-à-dire de tout ce qui appartient à l’existence des choses, c’est la substance, où tout ce qui appartient à l’existence ne peut être pensé que comme détermination. En conséquence, le durable par rapport auquel toutes les relations temporelles des phénomènes sont nécessairement déterminées, c’est la substance dans le phénomène, c’est-à-dire le réel du phénomène lui-même, ce qui demeure identique comme substrat de tout changement. Comme, donc, elle ne peut changer dans l’être , son Quantum dans la nature ne peut subir de modification en plus ou en moins .
Notre appréhension du multiple et du variable dans le phénomène est à tout instant successive et donc toujours changeante. Nous ne pouvons dès lors déterminer si cette diversité multiple, objet de notre expérience, est d’un coup ou si elle se succède , que dans la mesure où gît au fond quelque chose qui est à tout instant , quelque chose de permanent et de durable dont le changement et la constance ne sont pour le durable que des manières d’exister (modes du temps). … La durabilité exprime en général le temps, comme le corrélât constant de toute existence de phénomènes, de toute alternance et de tout ce qui l’accompagne. Car l’alternance n’atteint pas le temps lui-même, elle n’atteint que les phénomènes placés dans le temps (de même que la simultanéité n’est pas non plus un mode du temps lui-même, puisque dans le temps il n’y a pas de parties à être d’un coup , mais que toutes y sont successives )… C’est par le durable seul que l’existence obtient dans les différentes parties de la série temporelle successive une grandeur qu’on appelle la durée , En effet dans la simple Suite l’existence ne fait qu’apparaître et disparaître, elle n’a jamais la moindre grandeur. Sans ce durable , il n’y a donc pas de rapport temporel… Dans tous les phénomènes , le durable est donc l’objet même , c’est-à-dire la substance (phaenomenon)], mais tout ce qui change ou peut changer appartient seulement à la manière dont cette ou ces substances existent, et par là à leurs déterminations.
Je constate qu’à toutes les époques, non seulement le philosophe mais le bon sens ont supposé cette durabilité comme substrat du changement phénoménal et qu’ils l’admettront en tout temps comme hors de doute ; le philosophe s’exprime seulement de manière un peu plus précise à ce sujet quand il dit : à travers tous les changements du monde demeure la substance, et ce sont les accidents seuls qui varient…
Les déterminations d’une substance qui ne sont autre chose que des manières particulières qu’elle a d’exister, s’appellent accidents. Elles sont toujours réelles, parce qu’elles concernent l’exister de la substance (les négations ne sont que des déterminations qui expriment le non-exister de quelque chose dans la substance). Or lorsqu’on attribue un exister particulier à ce réel dans la substance (par exemple au mouvement comme à un accident de la matière), on appelle cet exister inhérence pour le distinguer de l’exister de la substance, qu’on appelle subsistance. Il en résulte cependant bien des malentendus et l’on s’exprime d’une manière plus précise et plus juste en ne désignant sous le nom d’accident que la manière dont l’exister d’une substance est positivement déterminé…
Sur cette durabilité se fonde dès lors aussi la justification du concept d’altération . Naître et périr ne sont pas des altérations de ce qui naît et périt. L’altération est une manière d’exister , qui succède à une autre manière d’exister, précisément du même objet . Tout ce qui s’altère est donc permanent et seul, son état varie . Comme cette variation concerne les seules déterminations qui peuvent cesser ou commencer, nous pouvons dans une formule d’apparence un peu paradoxale dire que seul le durable (la substance) est altéré et que le modifiable ne subit aucune altération , mais seulement une alternance , puisque certaines déterminations cessent et que d’autres commencent.
L’altération ne peut donc être perçue que dans les substances; le va et vient échappe à toute perception possible s’il ne se réduit pas à être une détermination du durable, parce que seul ce durable rend possible la représentation du passage d’un état à l’autre et du non-être à l’être, représentation qui ne peut être connue empiriquement que comme des déterminations alternantes de ce qui demeure. Si vous admettez que quelque chose commence à être purement et simplement, alors il faut un point temporel dans lequel cela n’était pas. A quoi voulez-vous le rattacher, sinon à celui qui déjà est présent? Car un temps vide, qui précéderait, ne constitue pas un objet de perception. Mais si vous liez cette naissance aux choses qui précédaient, et qui se prolongent jusqu’à ce qui en naît, ce dernier n’était alors qu’une détermination du premier, une détermination du durable. Même chose pour la disparition : elle suppose en effet la représentation empirique d’un temps où le phénomène n’est plus.
