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Rosenzweig (Cahiers:52-55) – método do novo pensar

domingo 12 de maio de 2024, por Cardoso de Castro

  

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O método original do novo pensamento é baseado na temporalidade, em todos os três livros [da Estrela da Redenção  ], mas isso aparece mais claramente no segundo livro, o coração do volume e, portanto, da obra como um todo, no livro da revelação presente. O método de pensamento que formou toda a filosofia até agora dá lugar ao método da linguagem. O pensamento é atemporal, e quer ser assim; ele busca unir mil relações em um único golpe, e o que é definitivo, o objetivo, é para ele o que é primordial. A linguagem está ligada ao tempo, alimenta-se da temporalidade, e não quer nem pode deixar esse terreno fértil; ela sabe de antemão onde vai parar, e suas respostas vêm de outra pessoa. Ela vive essencialmente da vida do outro, seja como ouvinte da narrativa, parceira de diálogo ou companheira no coro, enquanto o pensamento é sempre solitário, mesmo que pensemos em comum, em um grupo que "filosofa em uníssono" (porque o outro só pode fazer as objeções a mim que eu mesmo seria forçado a fazer), e é por isso que a maioria dos diálogos filosóficos, até mesmo a maioria dos diálogos de Platão  , são enfadonhos. O diálogo real é precisamente o teatro de um evento: não posso saber com antecedência o que o outro dirá, porque eu mesmo não sei o que direi; provavelmente nem sei se direi alguma coisa. Pode ser que seja a outra pessoa que inicie o diálogo, e esse é de fato o caso na maioria dos diálogos autênticos, como uma comparação entre os Evangelhos e os diálogos socráticos nos convencerá facilmente: geralmente é Sócrates   quem inicia o diálogo, dando a ele a sensação de uma discussão filosófica. O pensador já sabe quais pensamentos quer comunicar, e o fato de expressá-los é apenas uma concessão às nossas deficiências, um meio de chegar a um acordo, ele dirá. Mas nossas deficiências não estão no fato de não termos linguagem, pois o que precisamos é de tempo. Precisar de tempo significa não ser capaz de antecipar nada, ser forçado a esperar por tudo, depender dos outros para o que é mais importante para nós. Isso é completamente impensável para o pensador que se baseia apenas no pensamento, mas define o pensador que se baseia na linguagem. Pensador da linguagem - porque, é claro, o novo pensamento, baseado na linguagem, também é um pensamento, assim como o pensamento tradicional não poderia prescindir da fala interior; o que separa o pensamento tradicional do novo, o pensamento lógico do pensamento gramatical, não está no fato de que um é silencioso e o outro fala, mas no fato de que o novo pensamento precisa do outro, ou, o que equivale à mesma coisa, no fato de que ele leva o tempo a sério: Pensar era pensar para ninguém e dirigir-se a ninguém (ou, se preferirmos, substituiremos "ninguém" por "todos", ou seja, pelo famoso "todo mundo"); falar, por outro lado, é falar para alguém e pensar para alguém: e esse alguém é sempre uma pessoa muito específica que não só tem ouvidos, como todo mundo, mas também uma boca.

Launay

La méthode originale de la nouvelle pensée se fonde sur la temporalité, dans les trois livres, mais cela apparaît le plus nettement dans le second livre, cœur du volume et donc de l’ensemble de l’ouvrage, dans le livre de la révélation présente. La méthode de la pensée qui a formé toute la philosophie jusqu’ici fait place à la méthode du langage. La pensée est intemporelle et veut l’être, elle cherche à nouer d’un seul élan mille relations et ce qui est ultime, le but, est pour elle ce qu’il y a de primordial. Le langage est lié au temps, se nourrit de temporalité et ne veut ni ne peut quitter cette terre nourricière ; il ignore à l’avance où il aboutira, ses répliques lui viennent d’un autre. Il vit essentiellement de la vie d’un autre qu’il soit l’auditeur du récit, l’interlocuteur du dialogue ou un compagnon au sein du chœur, tandis que la pensée est toujours solitaire, même si c’est en commun que l’on pense, au sein d’un groupe qui « philosophe à l’unisson » [1] (car l’autre ne peut me faire que les objections que je serais moi-même contraint de me faire), et c’est la raison pour laquelle la plupart des dialogues philosophiques, même la majeure partie des dialogues de Platon sont ennuyeux. Le dialogue véritable est précisément le théâtre d’un événement : je ne peux pas savoir à l’avance ce que me dira l’autre, parce que j’ignore moi-même ce que je dirai ; sans doute ignoré-je même si je dirai quoi que ce soit. Il se pourrait que ce soit l’autre qui ouvre le dialogue et c’est d’ailleurs le cas dans la plupart des dialogues authentiques, ce dont nous persuadera facilement la comparaison des Évangiles et des dialogues socratiques : c’est le plus souvent Socrate qui déclenche le dialogue en lui imprimant à vrai dire le tour d’une discussion philosophique. Le penseur sait déjà quelles sont les pensées qu’il veut communiquer, et le fait qu’il les exprime n’est qu’une concession à nos carences, un moyen d’entente, dira-t-il. Mais nos carences ne résident pas dans le fait que le langage nous ferait défaut, car c’est de temps dont nous avons besoin. Avoir besoin de temps signifie ne rien pouvoir anticiper, être contraint de tout attendre, dépendre de l’autre pour ce qui nous est le plus propre. Voilà qui est tout à fait impensable pour le penseur qui ne s’appuie que sur la pensée, tandis que cela définit le penseur qui s’en remet au langage. Penseur du langage — car, bien entendu, la pensée nouvelle, fondée sur le langage, est aussi une pensée, de même que la pensée traditionnelle ne pouvait se passer de parole intérieure ; ce qui sépare la pensée traditionnelle de la nouvelle, la pensée logique de la pensée grammaticale, ne réside pas dans le fait que l’une est silencieuse et que l’autre parle, mais en ceci que la pensée nouvelle a besoin de l’autre, ou, ce qui revient au même, dans le fait qu’elle prend au sérieux le temps : penser, c’était penser pour personne et ne s’adresser à personne (ou, si l’on préfère, on remplacera « personne » par « tous », c’est-à-dire par le célèbre « tout le monde ») ; parler, en revanche, c’est parler à quelqu’un et penser pour quelqu’un : et ce quelqu’un est toujours une personne bien précise qui n’a pas seulement des oreilles, comme tout le monde, mais aussi une bouche.

Cette méthode concentre ce que le livre recèle de nouveaux ferments pour la pensée. C’est Feuerbach [2] qui est le premier à l’avoir découverte, puis elle fut réintroduite en philosophie, sans qu’on prenne conscience de sa force révolutionnaire, par Hermann Cohen [3] dans son œuvre posthume. Je connaissais ces textes de Cohen lorsque j’ai écrit mon livre, pourtant ce n’est pas à lui que je dois d’avoir reçu l’influence décisive qui m’a fait entreprendre cet ouvrage, mais à Eugen Rosenstock [4] dont j’avais lu, depuis un an et demi, au moment où je commençai à écrire, le premier jet de son livre Angewandte Seelenkunde, aujourd’hui publié. Depuis, outre L’Étoile de la Rédemption, il est paru un autre exposé fondamental de la science nouvelle : il s’agit du premier volume de l’ouvrage que Hans Ehrenberg [5] consacre à l’idéalisme sous la forme nouvelle du dialogue authentique fondé sur la nécessité du temps, c’est-à-dire sous sa forme fichtéenne. Dans le même esprit, on verra bientôt paraître Philosophie des Arztes de Victor von Weizsàcker [6] ; Theoretische Biologie, de Rudolf Ehrenberg [7] soumet pour la première fois la théorie de la nature organique à la loi du temps réel et irréversible. Sans rapport entre eux ni avec les auteurs que je viens de citer, Martin Buber   [8] dans Ich und Du et Ferdinand Ebner [9] dans son livre Das Wort und die geistigen Realitäten, qui vient d’être publié en même temps que mon livre, sont parvenus au cœur de la pensée nouvelle, c’est-à-dire au problème traité dans le livre central de L’Étoile... On trouvera dans les remarques que je consacre à mon livre sur Jehuda Halevi [10] quelques exemples qui peuvent instruire sur les applications pratiques de cette pensée nouvelle. Les fondations de l’œuvre magistrale, et pour l’essentiel encore impubliée, de Florens Christian Rang [11] recèlent une profonde et exacte connaissance de tous ces problèmes.

Chez tous les auteurs que nous venons de citer, c’est un intérêt d’ordre théologique qui a contribué à imposer la pensée nouvelle. Mais cet intérêt ne correspond en rien à ce que l’on devait jusqu’alors entendre sous le terme de théologie ni dans ses objectifs, ni dans les moyens dont il use ; il ne s’oriente pas uniquement vers ce qu’on appelle les « questions religieuses » — qu’il traite au contraire parmi et au sein même des problèmes logiques, éthiques et esthétiques —, pas plus qu’il n’adopte cette attitude caractéristique de la pensée théologique, mixte d’offensive et de défense, mais incapable d’examiner tranquillement son objet. Si l’on peut encore parler de théologie, elle est alors tout aussi nouvelle, en tant que telle, comme en tant que philosophie. L’introduction au deuxième volume traite cette question de même qu’en général les trois introductions cherchent à montrer au lecteur quelles voies lui feront quitter l’univers intellectuel qui lui est familier pour le conduire vers le monde ouvert par l’ouvrage. La théologie ne peut humilier la philosophie en en faisant une bonne à tout faire, mais c’est précisément au rôle indigne de servante que la philosophie s’était récemment, et même tout récemment, habituée à exiger qu’obéisse la théologie. Comme l’explique notre introduction, le rapport véritable des deux disciplines sous leur forme nouvelle est fraternel, et doit conduire leurs tenants à s’unir. Les problèmes théologiques veulent être traduits en problèmes humains et les problèmes humains veulent s’élever jusqu’à une expression théologique. Le problème du nom de Dieu, par exemple, n’est qu’un aspect du problème logique du nom en général ; et une esthétique qui ne s’interroge pas sur le fait de savoir si les artistes peuvent ou non connaître la félicité, est une discipline certes fort civile, mais incomplète.

Alors que ce qui renforce véritablement la pensée nouvelle, c’est qu’elle soit complète. Les problèmes de la pensée traditionnelle sont pour la plupart tout simplement inaperçus, et lorsqu’ils se font jour, ils ne sont pas reconnus comme tels ; cela ne vaut pas seulement pour les questions théologiques au sens restreint, mais aussi pour la majorité des problèmes humains que la méthode grammaticale permet d’appréhender de manière rigoureuse, grâce à la logique du je et tu, par exemple, ou grâce à la logique des noms dont on a déjà parlé. En revanche, tout le domaine couvert par la pensée traditionnelle peut être surveillé et pris sous le feu de la pensée nouvelle si l’on se poste sur ses positions. Par exemple, les problèmes de la logique traditionnelle, aristotélicienne et kantienne, ne cessent nullement d’être des problèmes pour la pensée du langage et se reposent en tant que problèmes du « il » impersonnel (es). C’est d’ailleurs en tant que tels, dans le premier livre du volume, qu’ils sont, en première approximation, ébauchés et posés après qu’on les a dégagés de leur fausse articulation sur le « je » et réorientés pour les traiter en fonction du « il » troisième personne (er).

Dieu n’a pas créé la religion, mais bien le monde. Et lorsqu’il se révèle, le monde continue d’exister bien qu’il ne soit véritablement créé qu’après cette révélation. Cette apocalypse détruit le vrai paganisme, le paganisme de la création et ses néants, elle ne laisse plus advenir que le miracle de la conversion et de la renaissance. Elle est toujours présente et si elle est passée, c’est à partir de ce passé qui est à l’origine de l’histoire humaine, la Révélation à Adam. En tant que Révélation « en tout temps réitérée », elle est au centre du deuxième volume, comme le paganisme en tant que « permanent » était au cœur du premier.


Ver online : Franz Rosenzweig


ROSENZWEIG, Franz. "La pensée nouvelle", in Olivier Mongin et alii, Les Cahiers de La nuit surveillée. Paris: 1982


[1Emblème du philosophe en commun et à l’unisson, propre aux romantiques allemands. Cf. Novalis, « Fragmente » , in Athenaeum (1798) I (2), p. 277, par exemple.

[2Ludwig Feuerbach (1804-1872), Principes de la philosophie de l’avenir (1843), Paris, P.U.F., 1960 (trad. L. Althusser).

[3Flermann Cohen (1842-1918), le maître de Rosenzweig. Religion der Vernunft aus den Quellen des Judentums, 1919, 1929, Werke (Hildesheim, 1982), vol. XI avec une introduction de S. S. Schwarzchild.

[4Eugen Rosenstock (1888-1973), Angewandte Seelenkunde, eine programmatische Uebersetzung, Darmstadt, 1924.

[5Hans Ehrenberg (1893-1958), Disputatio. Drei Bücher vom deutschen Idealismus, München, 1923-1925.

[6Viktor von Weizsäcker (1886-1957), peut-être Kranker und Arzt, Berlin, 1929.

[7Rudolf Ehrenberg (1884-1969), Theoretische Biologie vom Standpunkt der Irreversibilität des elementaren Lebensvorganges, Berlin, 1923.

[8Martin Buber (1878-1965), Ich und Du (Leipzig, 1923).

[9Ferdinand Ebner (1882-1931), Das Wort und die geistigen Realitäten. Pneumatologische Fragmente, Innsbrück, 1921. Voir lettre à Rudolf Hallo, 4 février 1923.

[10Jehuda Halevi (1083-1140), 60 Hymnen und Gedichte des Jehuda Halevi, Konstanz, 1924 dont la postface se trouve in K.S., p. 200-219.

[11Florens Christian Rang (1866-1924), Goethe ‘Selige Sehnsucht’ ein Gespräch um die Möglichkeit einer christlicher Deutung, Freiburg, 1949 dont Rosenzweig devait avoir lu des passages dans les Neue Deutsche Beiträge de 1922.