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Rosenzweig (Cahiers:43-47) – Tema do Livro I da "Estrela da Redenção"
domingo 12 de maio de 2024, por
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[...] Essa maneira de reduzir as experiências do mundo e de Deus ao eu, ou de "fundamentá-las" no eu que faz essas experiências, ainda é tão óbvia para o pensamento acadêmico que ele simplesmente não levaria a sério alguém que, não acreditando nesse dogma, preferisse reduzir sua experiência do mundo... ao mundo, e sua experiência de Deus... a Deus. Esta filosofia acadêmica considera a redução em geral como um processo tão óbvio que, quando se dá ao trabalho de queimar esse tipo de herege, ela o persegue acusando-o apenas de ter praticado uma forma proibida de redução, e o faz queimar porque ele é um "materialista grosseiro" que disse que "tudo é mundo", ou um "místico extático" que disse que "tudo é Deus". Nem sequer ocorre a essa mente filosófica que alguém possa não ter tido a intenção de dizer "tudo é apenas...". Mas essa pergunta sobre a quoddidade de "tudo" já esconde o erro total das respostas. Uma sentença predicativa, supondo que valha a pena ser expressa, deve necessariamente ser construída de modo a sempre propor um novo predicado após a cópula, ou seja, algo que não estava presente antes. Portanto, se fizermos essas perguntas sobre Deus ou o mundo, não devemos nos surpreender se o "eu" surgir: o que mais existe! Tudo o mais, o mundo e Deus, é obviamente dado antes da cópula! Isso também é o que acontece quando o panteísta e seu colega místico descobrem que o mundo e o homem são "seres" divinos, ou quando a outra boutique, o materialista e o ateu, descobrem que o homem é apenas uma criatura e que Deus é apenas um reflexo da "natureza".
Launay
Toute philosophie s’interroge sur l’ «essence». Et c’est cette question qui la distingue de la pensée non-philosophique du sens commun. Ce dernier, en effet, ne se demande pas ce qu’est « véritablement » une chose. Il lui suffit de savoir qu’une chaise est une chaise ; il ne se demande pas si cet objet pourrait en réalité être tout autre chose. Or c’est précisément ce genre de question que pose la philosophie lorsqu’elle s’interroge sur l’essence. Le monde ne peut bien entendu pas être monde, Dieu, certes pas Dieu, et l’homme, surtout pas l’homme ; tout doit nécessairement être « en réalité » quelque chose de tout à fait différent. Si tout n’était pas autre chose, mais seulement ce qu’il est — qu’on nous en préserve ! Qu’on nous en garde ! —, la philosophie finirait par être superflue ! Du moins la philosophie qui cherche à tout prix à extirper quelque chose de « tout à fait autre ».
Or c’est bien là l’intention poursuivie par toute la philosophie jusqu’alors, pour autant que je puisse en juger sur la base de mes connaissances universitaires en la matière. Et si je m’en remets au panorama exact, plein d’abnégation et ponctuellement trimestriel que livrent les Kantstudien, les corbeaux volent toujours autour de la montagne (et continuent malheureusement de trouver de jeunes pinsons [1] qui, malgré leur joli bec, s’efforcent de croasser comme eux, ce à quoi, hélas, ils ne réussissent que trop bien). Aujourd’hui encore, on épuise sans relâche en les permutant les possibilités de « réduction » d’un être à l’essence, autre, qui lui correspond ; ces possibilités définissent en gros les trois époques de la philosophie européenne : l’Antiquité, cosmologique, le Moyen Age, théologique, et l’Époque moderne, anthropologique. Et, bien entendu, la pensée chérie de l’époque moderne ressort tout spécialement : la réduction à ce qui constitue « le » moi. Cette manière de réduire les expériences du monde et de Dieu au moi, ou de les « fonder » sur le moi qui fait ces expériences, passe [44] aujourd’hui encore pour si évidente aux yeux de la pensée universitaire qu’elle ne prendrait tout simplement pas au sérieux quelqu’un qui, ne croyant pas à ce dogme, préférerait ramener son expérience du monde... au monde, et son expérience de Dieu... à Dieu. Cette philosophie universitaire tient la réduction en général pour un procédé si évident que, lorsqu’elle se donne la peine de brûler ce genre d’hérétique, elle le poursuit en ne l’accusant que d’avoir pratiqué une forme interdite de réduction, et le fait rôtir parce qu’il est un « matérialiste grossier » qui a déclaré « tout est monde », ou un « mystique extatique » qui a dit « tout est Dieu ». Il ne vient même pas à l’idée de cet esprit philosophique que quelqu’un puisse n’avoir aucunement voulu dire « tout n’est que... ». Mais cette question sur la quoddité posée à propos de «tout» recèle déjà l’erreur totale des réponses. Une phrase prédicative, à supposer qu’elle vaille la peine d’être exprimée, doit nécessairement être construite de manière à toujours proposer un prédicat nouveau après la copule, c’est-à-dire quelque chose qui auparavant n’était pas présent. Si l’on pose donc de telles questions à propos de Dieu ou du monde, il ne faut pas s’étonner que le moi en surgisse : que reste-t-il d’autre en effet ! Tout le reste, le monde et Dieu, est bien évidemment donné avant la copule ! C’est aussi ce qui se passe lorsque le panthéiste et son compère le mystique découvrent que le monde et l’homme sont des « êtres » divins, ou lorsque l’autre boutique, matérialiste et athée, découvre que l’homme n’est qu’une créature, et Dieu, qu’un reflet de la « nature ».
Mais en vérité, ces trois derniers objets de toute philosophie, qui sont en même temps ses objets premiers, sont des oignons que l’on peut peler tant qu’on veut — on ne cesse de trouver des pelures successives, sans arrêt, et jamais on ne rencontre quelque chose de « tout autre ». Seule la pensée se fourvoie nécessairement sur ces fausses pistes de par la force transformatrice de la copule. L’expérience ne découvre dans l’homme — aussi profond qu’elle atteigne — jamais autre chose que de l’humain, jamais autre chose que du mondain dans le monde, du divin toujours chez Dieu ; et le divin ne se rencontre que chez Dieu, toujours dans le monde, ce qui est mondain, l’humain jamais ailleurs que chez l’homme. Finis philosophiae ? Si c’était le cas, alors tant pis pour la philosophie ! Mais je ne crois pas que ce soit si grave. C’est au contraire au moment où la philosophie arrivera au terme de sa propre pensée qu’une philosophie en quête d’expérience pourra vraiment commencer.
C’est là en tout cas le point culminant de mon premier volume. Je n’y ai pas eu d’autre intention que celle d’enseigner qu’on ne peut réduire aucun de ces trois concepts fondamentaux l’un à l’autre. Afin de souligner l’importance de cette idée, je l’ai exposée sous une forme positive : je ne montre donc pas que chacun des concepts ne saurait être réduit aux deux autres, mais au contraire que chacun d’eux ne peut être ramené qu’à lui-même. Chaque concept est lui-même un « être », une substance, avec toute la pesanteur métaphysique [45] de ce terme. Lorsque Spinoza , au début de l’Éthique, reprend le concept scolastique de substance pour le redéfinir et le transmettre aux grands idéalistes du début du dix-neuvième siècle — jouant en l’occurrence un rôle décisif de médiateur entre deux époques de la pensée européenne, précisément parce que ce n’est pas sous l’angle théologique, propre à l’époque révolue du Moyen Age, qu’il comprend le concept de substance, ni du point de vue anthropologique de l’époque à venir, mais dans le cadre d’une philosophie de la nature et d’une cosmologie, ce qui lui permet de formaliser le terme et ainsi d’en autoriser les transformations —, il définira la substance, comme on sait (on peut ici sans vergogne citer cette formule de Spinoza sans que le lecteur dût rougir puisqu’il prétend connaître les premières phrases des ouvrages philosophiques) en disant qu’elle est « ce qui est en soi et est conçu par soi ». Sans doute ne pourrais-je mieux faire comprendre mes intentions, développées au cours de certaines parties difficiles sur lesquelles reposent les trois livres du premier volume, qu’en disant ceci : pour chacun des trois représentants qui supporteraient le concept d’« essence », j’ai cherché à montrer comment chacun d’eux remplissait à sa manière les conditions requises par la définition de Spinoza. Ce que j’appelle « oui » correspond au « in se esse », ce que j’appelle « non », au « per se percipi » ; mais, bien entendu, il ne s’agit pas là d’équivalences exactes, je ne fais ici que donner au lecteur de simples indications. S’il veut savoir ce que contient le livre, qu’il le lise — je ne saurais lui en épargner la lecture.
Il me semble toutefois avoir ainsi décrit l’orientation générale du premier volume autant que le peut faire un auteur, c’est-à-dire sûrement moins bien qu’un lecteur intelligent. La question de l’essence n’appelle que des réponses tautologiques. Dieu n’est que divin, l’homme, humain, le monde, mondain ; on peut creuser aussi loin qu’on voudra, Dieu, l’homme, le monde ne révèlent jamais autre chose qu’eux-mêmes ; et cela vaut pour chacun d’eux dans la même mesure. Le concept de Dieu ne jouit pas, comme on pourrait le croire, d’une position particulière. En tant que concept, il n’est pas moins inaccessible que le concept d’homme ou de monde. A l’inverse : l’essence de l’homme et l’essence du monde — l’essence ! —· ne sont pas plus accessibles que l’essence — l’essence ! — de Dieu. Nous en savons autant sur chacune d’elles, c’est-à-dire aussi peu, tout et rien à la fois. Nous savons de la manière la plus précise, grâce au savoir intuitif de notre expérience ce que « sont » en propre Dieu, l’homme et le monde ; si nous ne le savions pas, comment pourrions-nous en parler et comment pourrions-nous, deux à deux, les « réduire » l’un à l’autre ou bien contester à chaque fois les deux autres possibilités de réduction ! Mais nous ignorons tout à fait ce que Dieu, le monde et l’homme pourraient être d’autre en nous appuyant sur le savoir sournois, « manipulateur », de notre pensée ; si nous le savions, comment maintenir face à cette capacité-là notre savoir intuitif de telle sorte qu’il ne cessât de nous attirer vers ce genre de question, [46] vers ces tentatives de réduction ? Les fantômes s’évanouissent au chant du coq de la connaissance, or ces fantômes-là ne disparaissent jamais. Le fait que nous imaginions telle de ces entités plus proche de nous qu’une autre tient, comme ce fait corollaire de mésuser des termes absurdes que sont transcendance et immanence, à ce que nous confondons ces entités avec les réalités (Dieu, le monde, l’homme), entre lesquelles existent des rapports de proximité et d’éloignement, des points de rapprochement et des distances ; mais ceux-ci ne se figent pas en attributs réels au point qu’on pourrait dire, par exemple, que Dieu « serait » transcendant. Au contraire, en tant qu’entités, Dieu, le monde et l’homme sont également transcendants l’un par rapport à l’autre ; et il est impossible de dire ce que « sont » leurs réalités, on peut seulement... mais il n’est pas encore temps d’en traiter.
Mais à part tout ou rien et entre tout et rien, que savons-nous de Dieu, du monde et de l’homme ? Quelque chose néanmoins et précisément ce que nous entendons par les qualificatifs divin, mondain, humain. Nous avons alors à l’esprit quelque chose de tout à fait déterminé, de tout à fait spécifique. Quoi donc ? Où rencontrons-nous ces trois entités de manière à la fois aussi irréelle et intuitive telles que ces trois qualificatifs les distinguent dans leur singularité ? On voit ici apparaître un deuxième thème qui s’articule sur le premier, sur l’élément logico-métaphysique et qui, dans cette intrication, domine l’économie du premier volume.
Où trouverait-on de telles figures essentielles mais à qui pourtant feraient défaut la vérité, la vie ou la réalité ? Un Dieu qui ne serait ni le vrai Dieu, ni réel, un monde qui ne serait ni vivant ni véritable, des hommes qui ne seraient ni concrets ni animés ? Et qui, chacun, ne sauraient rien, n’attendraient rien des deux autres ? Des ombres alors, qui n’habiteraient pas le même espace que notre réalité, notre vérité, notre vie, et hanteraient pourtant tout ce qui se passe au sein de cet espace ? En ayant recours à ce qu’il sait de Spengler , le lecteur pourra trouver ici réponse à ces questions. Chez Spengler, la notion de culture apollinienne embrasse précisément les Dieux, les mondes et les hommes dont nous venons de parler [2]. A travers le terme « euclidien », Spengler définit exactement la séparation essentielle, la « transcendance » de l’une par rapport aux autres de ces figures dont on parle ici. A ceci près que Spengler, comme toujours, interprète à tort ce qu’il a correctement observé. L’Olympe mythique, le cosmos plastique, le héros tragique ne sont nullement abolis du seul fait qu’ils sont révolus, ils ne sont même pas révolus au sens strict : le vrai Grec, lorsqu’il priait, n’a pourtant pas été écouté par Zeus ou Apollon mais bien par Dieu, et ce n’est pas non plus au sein du cosmos qu’il a vécu, mais au sein du [47] monde créé dont le soleil, notre soleil, éclairait Homère ; il n’était nullement un héros de tragédie attique, mais un pauvre homme, comme nous. Bien que ces trois figures n’aient jamais été concrètes, elles sont pourtant au principe de toute notre réalité. Dieu est aussi vivant que les Dieux de la mythologie, le monde créé est tout autant le monde réel, et non simple « apparence », que les fmitudes, aux frontières dictées par des impératifs plastiques, où croyaient vivre les Grecs, où ils souhaitaient vivre en tant qu’êtres politiques, et qu’ils créaient autour d’eux en tant qu’artistes. L’homme auquel Dieu s’adresse est tout autant un homme concret, et non une quelconque demeure abritant des idéalités, que le héros de la tragédie, figé dans son défi. Les figures spirituelles qui, au cours de l’histoire, n’ont été définies que par Spengler dans sa notion de « culture apollinienne » et qui, ainsi seulement, deviennent visibles, toute vie les recèle dans la mesure où elles en sont secrètement les principes invisibles ; peu importe que cette vie soit plus ancienne ou plus récente, peu importe qu’elle soit devenue elle-même une figure historique ou soit restée inaperçue aux yeux des historiens. Voilà ce qu’il y a de classique dans l’Antiquité classique, voilà aussi la raison pour laquelle le premier volume de L’Étoile de la Rédemption doit nécessairement déboucher sur une philosophie du paganisme précisément parce qu’on tente d’y dégager les contenus élémentaires de l’expérience dépouillée de ces combinaisons dont la pensée préférerait s’occuper. En obéissant là encore à la même déduction constructive des trois « substances », ce premier volume élabore cette philosophie du paganisme à partir de figures historiques et, ce, au détriment de ce que la modernité chérit, donc aux dépens des « religions de l’esprit extrême-orientales ».
Ver online : Franz Rosenzweig
ROSENZWEIG, Franz. "La pensée nouvelle", in Olivier Mongin et alii, Les Cahiers de La nuit surveillée. Paris: 1982
[1] Jeu de mots sur Finken (plur.) qui signifie « pinson » et désigne également des étudiants non-affiliés à une association (N.d.T.).
[2] Oswald Spengler (1880-1936), Der Untergang des Abendlandes, Umrisse einer Morphologie der Weltgeschichte, München, 1923, tr. Paris, 1948.