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Pratyabhijna / Pratyabhijñā / Pratyabhijnâ

  

PRATYABHIJNA (reconnaissance). Sk. subs. fém.

Une des principales tendances du Shivaisme non-dualiste tel qu’il s’est développé notamment au Cachemire. Elle fut formulée systématiquement d’abord dans la Shivadrsti, de Somananda (IXe siècle ?), puis par un disciple de ce dernier, Utpaladeva  , dans les Isvara-pratyabhijna-karika, « Versets sur la Reconnaissance du Seigneur », texte sur lequel Abhinavagupta   (Xe-XIe siècle) écrivit deux importants commentaires, l’Isvarapratyabhijha-vimarsini (« La Réflexion sur la Reconnaissance du Seigneur ») et l’lsvarapratyabhijna-vivrtivimarsini (« Réflexion sur l’explication de la Reconnaissance du Seigneur »). Ksemaraja, disciple d’Abhinavagupta, fit un bref et clair résumé de cette doctrine, le Pratyabhijna-hrdaya, le « Cœur de la Reconnaissance ». Ce sont là des œuvres de premier plan de la tradition philosophique indienne.

Pour cette école, la seule réalité est celle de la Conscience divine, Shiva, qui, totalement libre et brillant par elle-même, fulgure sous la forme de la multiplicité cosmique qu’elle projette lumineusement (abhasa) sur elle-même comme sur un écran : on ne sort donc point de la Conscience. L’univers ainsi manifesté n’est pas irréel puisqu’il est de la même substance que la divinité. Sa réalité, purement spirituelle, est toutefois occultée par l’effet de la puissance limitatrice et obnubilatrice du Seigneur, la mayasakti, grace à laquelle il se voile et rend par là même possible l’apparition de l’univers, lequel existe cycliquement de toute éternité en étant soumis au conditionnement spatio-temporel. Le monde, ainsi, n’existe que par une sorte d’oubli cosmique de la Réalité, qui ne pourra être retrouvée que par une re-connaissance (pratyabhijna) de la vérité « oubliée ».

Cette reconnaissance — qu’il ne faut pas confondre avec une remémoration, en dépit de l’importance pour cette école, notamment dans la recherche de la vérité, de la mémoire ou mémoration (smarana) — se produit en conséquence d’une activité synthétique de l’esprit qui, en détruisant les idées fausses masquant la Réalité, fera apparaître à la conscience de l’homme la vérité, à savoir qu’elle n’est pas différente en essence de la Conscience divine. Seule une intense méditation créatrice (bhavana, v. ce mot) et surtout l’action de la grace divine (anugraha, v. ce mot, ou saktipata, « descente de l’énergie [divine] »), aboutissant à l’extase et à la fusion avec (samavesa) ou contemplation unitive (samapatti, v. ce mot) de la suprême Conscience, fera disparaître l’erreur. Elle assurera du même coup à l’adepte, une fois cet état durablement établi, une identification complète et béatifiante (la « béatitude cosmique », jagad-ananda) avec le Suprême, état où, « libéré-vivant », il vivra paradoxalement à la fois sur le plan empirique et en union cosmique transcendantale avec la divinité. (A. Padoux  .)

• Pratyabhijnahrdaya, Samskrta Text with Translation and Notes, Delhi, Motilal Banarsidass, 1963.