Suivons pour cela la démarche heideggerienne qui, tout en engageant une « de-struction » de toute structure indûment figée, ne s’interdit nullement de viser et de penser quand même et malgré tout la structure. Pour penser le soi, il convient d’abord de déconstruire le moi substantiel de la métaphysique de la subjecti(vi)té ; le déconstruire, c’est-à-dire le résoudre en ses présupposés et le laisser être absorbé en amont par ces derniers. Mais cela suppose dès lors cette donnée fondamentale : pour penser le moi, il faut rester attentif à la structure que le soi construit et tisse lui-même dans le moi. Ln lui, le soi se structure et s’établit en différentes structures. On arrive ainsi à la distinction suivante : d’une part, le structuré, le moi, le résultat d’un [75] procès de structuration qui le surplombe et le dépasse ; d’autre part, l’acte même de structurer ou de se structurer. Selon cette distinction, il est possible de dégager une double signification du problème posé par la tentative de penser la structure du soi : comme génitif objectif, la structure du soi est ce qui donne sens à la modalité d’être particulière du soi ; comme génitif subjectif, la structure du soi souligne l’être du soi en tant qu’il se structure, se rassemble et se recueille lui-même en un point, le moi (qui peut déchoir et oublier que tout lui vient du procès de cet être-en-dehors-de-soi essentiel).

Se mettre en quête de la structure du soi, c’est donc d’abord pratiquer une destruction, au sens d’une déstructuration ou déstruc(tura)tion, un déblayage, une désobstruction de l’ego afin de revenir, par-delà la pensée qui le pense métaphysiquement selon le canon de l’ϋποκείμενον, à la source où il puise sa phénoménali-sation. C’est ensuite se mettre en quête de l’unité d’une donation non-une. Par conséquent, le terme de « structure » ne sera entendu et compris comme unification fermée que par celui qui, incapable de penser une autre forme de réalité plus profonde que celle de l’étant immédiatement présent sous ses yeux, demeure également impuissant à penser la possibilité d’une mêmeté non-identitaire, ouverte et en quelque sorte non-une bien que même. [Caron  ; PEOS:74-75]