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Upanishad du Renoncement

Degrâces-Fahd (UpR:22-24) – renúncia

A renúncia como morte e remédio

domingo 2 de outubro de 2022

      

Mas como decidir essa morte-ao-mundo? Não há nada para decidir. Nenhum problema de vontade. Não escolhemos desistir, somos levados a isso. À medida que o olhar interior cresce e se refina, as coisas que nos retêm caem por conta própria. Tudo reside em um pequeno intervalo   sentido dentro de nós através do qual percebemos em uma espécie de flash o que realmente somos, o resto se desprende sem sofrimento  , como uma roupa   velha que de repente sabemos que não oferece mais nenhum calor.

      

Renoncer, étymologiquement, se rattache à la famille du latin nuntius «messager», d’où nuntiare «annoncer». Renun-tiare prend donc sens d’«annoncer le retrait de», «révoquer». Le premier sens que donne Larousse dans son dictionnaire du XIXe siècle est «se désister de toute prétention», «ne plus s’attacher», ce qui correspond au sanskrit samnyas, «déposer».

L’expérience du renonçant — c’est-à-dire celle qui s’ouvre au mumuksu, à celui qui cherche la délivrance, dès le moment où, disent les upanishad  , il est qualifié (adhikara) pour le départ, pour cette étrange vie d’errant   — radicalise toutes nos expériences; comme au travers d’un miroir, elle nous les rend visibles dans l’instant, alors que nous les vivons à travers la succession, et fait apparaître à la pleine clarté ce que nous pouvions vivre obscurément, secrètement ou ne fût-ce que ponctuellement.

Le départ (parivrajya) donne lieu à des rites précis. Dans les textes, il est dit que pour celui qui part, il n’est pas de retour4. Ce départ est donc conçu comme une coupure. Il est un passage. De quoi à quoi ? Du monde rituel où toute chose se fait en vue d’un autre bien (le rite créant un lien visible entre le sacrifiant et la divinité) à un au-delà des rites. Il n’est pas une intériorisation du sacrifice rituel, mais son dépassement. Il «décrée» en quelque sorte cette architecture faite de liens que sont les sacrifices (le sacrifice maintient la notion de gain et de perte), pour que le renonçant devienne lui-même un continu sacrifice et s’unisse unanimement et sans intermédiaire à l’Absolu transcendant, impersonnel (brahman  ).

Cette décréation, cette rupture correspond à l’étymologie même du mot upanishad telle que la donne Shankara  , le grand commentateur métaphysicien du VIIIe siècle, fondateur du vedanta   non dualiste (a-dvaita), dans son introduction à la Katha-upanishad; il fait dériver ce mot d’une racine SAD qui signifie couper, trancher, atteindre ou perdre. A cette racine on ajoute les préverbes upa [idée de s’approcher] et ni [mouvement vers l’intérieur, changement dans l’action, retour à l’origine]. «On appelle la connaissance, upanishad, en vertu de l’analyse étymologique: elle tranche, elle entame, elle détruit les germes de l’existence   terrestre, tels que l’ignorance [...] chez ceux qui cherchent la délivrance. Quand ils ont réussi à se détacher de leurs penchants pour les objets visibles et invisibles, ils abordent (upa-sad) la connaissance qu’on appelle upanishad et qui comporte les caractéristiques données ci-après; puis ils s’y adonnent avec détermination et assurance (ni) [...] c’est la connaissance du brahman qu’on appelle upanishad, à cause de sa conformité avec l’idée de conduire au brahman [...]. La connaissance du feu qui a précédé les mondes, née du brahman, douée de la faculté d’illumination [...] s’appelle upanishad, la racine SAD doit être prise au sens de perdre, en ce sens elle détruit une foule de maux comme naître et vieillir.»

De ce déracinement qu’opère en tout le renonçant, se dégage l’idée du renversement des valeurs spirituelles sur lesquelles il s’appuyait jusque-là. Dès qu’il est prêt, qualifié (adhikara) pour le départ, le renonçant abandonne tout, famille, maîtres, sacrifices, rites, livres pour aller «nu comme à sa naissance». Cette décréation, cet anéantissement, nous conduit à la mort mystique. La cognée se trouve à la racine des arbres : he axine   pros ten rizan ron dendron  , disait saint Jean-Baptiste (saint Luc 3,9). Une sortie du monde qui dénie les valeurs de celui-ci. Face   à l’Instant, elles impliquent le temps, la succession par laquelle passe, à un moment donné, celui qui s’est mis en quête de Dieu   ou de l’Absolu impersonnel, le Sans-forme. Le moi individuel connaît alors sa double nature, ainsi que le dit la Mundaka-upanishad. Par cette connaissance, l’homme agrandit son soi individuel à la «taille» du soi universel ou plutôt il absorbe le premier dans le second. En fait, il ne s’agit que de retrouver, de remonter à la source même de notre être. Cette universalisation, cette absorption, ne peut se faire sans une certaine mort-à-soi qui, dans le cas du renonçant, devient aussi une mort-au-monde.

Mais comment décider cette mort-au-monde? Il n’y a rien à décider. Nul problème de volonté. On ne choisit pas de renoncer, on y est conduit. Le regard intérieur croissant et s’affinant, les choses qui nous retenaient tombent d’elles-mêmes. Tout réside dans un petit intervalle pressenti en nous par lequel nous percevons dans une sorte de fulgurance ce que nous sommes vraiment, le reste se détache sans souffrance, tel un vieux vêtement dont on sait soudain qu’il ne donne plus aucune chaleur.

Reconnaître cela revient à traverser soudain une certaine apparence des choses, à voir, ou pour reprendre un beau vers de O.V. de L. Milosz dans le Cantique de la connaissance, à comprendre que «ce n’est pas le soleil   mortel qui donne à la moisson sa couleur   invariable de sagesse». Cet état de sagesse suppose l’abandon de la volonté, qui est affirmation de soi. Il faut aller plus loin, parvenir à cet état de liberté qui est un rappel d’être8 ; on ne cherche pas à transformer, à imprimer sa marque, on cherche à être, à se transformer, c’est-à-dire à traverser sa «forme» première, grossière, pour atteindre l’Absolu. C’est ce qu’exprime si bien Plotin   dans la Sixième Ennéade (VI, 5,12,13): «Parce que quelque chose s’était ajouté à toi en plus du Tout, tu étais devenu moindre que le Tout par cette addition même [...]. En devenant “quelqu’un”, on n’est plus le Tout, on lui ajoute une négation.»

Nous touchons là à la Connaissance intime de nous-mêmes qui ordonne tout. La volonté en effet maintient l’idée de la possession et, donc, de la perte puisque l’on veut pour soi une chose, matérielle ou non. La mort de la volonté comme principe de nos actes concède au don la première place. Celui-ci répond à une seule nécessité intérieure, à une décréation : on laisse être. Jules Lequier, le maître de Renouvier, dans son dialogue « Le prédestiné, le réprouvé», extrait de La Recherche d’une première vérité, fait se confronter le prédestiné et le réprouvé; or chacun d’eux, sachant ce qu’il est par nature, a la vision de sa destinée finale: le prédestiné devient condamné; le réprouvé, lui, est élu. Situation cocasse qui n’est pas sans permettre une finesse d’analyse. Un moment le réprouvé tient ce discours :

«Le point important, à ce qu’il me semble, est de se convaincre que notre volonté se fait par la volonté de Dieu qui la voit et la fait “ être telle qu’elle serait si elle ne dépendait que de nous ” ; en sorte que Dieu nous fait être tels que nous serions nous-mêmes si nous pouvions être de nous-mêmes [...] Je vois pourquoi vous me demandiez tout à l’heure de me représenter l’histoire du monde reproduite par un tableau troué: les trous, les vides signifiant la part du mal. Ainsi, quand je fais le mal, je ne fais vraiment rien, et alors j’agis de moi-même9 ; et quand je fais le bien, c’est Dieu qui le fait, d’où il résulte que ma manière de coopérer avec lui consiste en ce qu’il opère tout seul.»

La volonté, l’affirmation individuelle du moi est une limitation à notre être. Dans l’esprit  , elle agit comme une fermeture, «faisant» de l’homme, le seul et unique auteur de ses actes.


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