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Ramana Maharshi et l’Expérience de l’Être

Burgi-Kyriazi – Ramana: enseignement et méthode

L’enseignement de Râmana Maharshi, méthode nouvelle de la réalisation de l’Etre

quarta-feira 14 de fevereiro de 2018, por Cardoso de Castro

      

Com efeito, é-nos impossível viver  , sentir ou agir sem pronunciar a palavra “eu”. Todo mundo diz ’eu penso, eu desejo, eu sou...’. O que o termo "eu"   denota é, portanto, uma existência auto-evidente  . Mas já nos perguntamos o que esta palavra contém? O conselho invariável de Ramana Maharshi   é que todos devem se perguntar: ’Quem é este "eu"?’ e assim descobrir por si mesmo   o verdadeiro "eu". Todo mundo diz ’eu vou, eu vim’ etc. É uma experiência cotidiana que nos torna fácil pensar   que a consciência do "eu" é o sujeito real. Mas o que é essa consciência e o que é o sujeito?

      

En effet, il nous est impossible de vivre, de sentir ou d’agir sans prononcer le mot « je ». Chacun dit ‘je pense, je désire, je suis...’. Ce que le terme de « je » dénote est donc une existence évidente par elle-même. Mais nous sommes-nous jamais demandé ce que ce mot renferme ? Le conseil invariable de Râmana Maharshi   est que chacun doit se demander : ‘Qui est-ce « je » ?’ et arriver ainsi à découvrir par lui-même le « Je » réel. Chacun dit ‘je vais, je viens’ etc. C’est une expérience de tous les jours qui nous fait penser facilement que la conscience du « je » est le véritable sujet. Mais quelle est cette conscience et quel est le sujet ? Des actions telles que d’aller ou de venir concernent presque exclusivement le corps et lorsque l’on dit ‘je vais’ ou ‘je viens’ cette assertion nous mène aisément à la pensée que c’est le corps qui est le « je ». Toutefois, le corps en lui-même [76] est inerte. Comment pourrait-il être en vérité le « je » ? Le corps n’existait pas avant d’être né, et il ne sera qu’un cadavre après la mort. Il est donc assez facile de comprendre que le corps n’est pas le « Je ». Qu’en est-il cependant de la conscience du « je » ? (Self Inquiry, n° 2-3).

On pourrait alors se tourner vers le mental  , cette force mystérieuse qui réside dans le Soi   et qui produit toutes les pensées, qui, d’autre part, est faite d’elles et donc de même nature. (« Who am I », n° 8). Mais là encore, en contemplant l’activité normale, quotidienne de l’homme, la première pensée à poindre sera celle du « je » (de l’égotisme). Il y a donc lieu de chercher d’abord d’où provient celle-ci.

Abandonnez toutes les pensées touchant le corps ou l’univers phénoménal. Ne tâchez pas de découvrir pourquoi et comment ces phénomènes apparaissent. Cherchez toujours à ne dévoiler que la nature réelle de votre soi-même. Le Soi ou Conscience peut être réalisé par l’interrogation dans le mental : « Qui suis-je ? » Laissez le corps rester inerte comme un cadavre, sans même prononcer le mot « je ». C’est à ce moment qu’une illumination silencieuse de la forme d’un « Je-Je » pourrait briller dans le Cœur. [1] C’est dire que, une fois disparues les pensées contingentes et bornées, la conscience pure, qui est Une et non limitée, peut briller de son propre éclat. (« Self Inquiry » n° 3).

En restant tranquille et sans abandonner cet exercice, qui doit se faire continuellement et sans interruption, l’égotisme, la pensée que je suis le corps, va se détruire complètement et, pour finir, même la pensée ‘qui suis-je’ va s’éteindre comme le camphre que le feu brûle sans laisser de cendres. C’est à ce moment que la réalisation du Soi aura lieu. (« Self Inquiry » n° 3). C’est par la recherche de ‘qui suis-je ?’ que la pensée même de ‘qui suis-je ?’ va détruire toutes les autres. Et à la fin elle va s’anéantir elle-même, comme le bâton qu’on emploie pour remuer le feu du bûcher brûlant. (« Who am I » n° 10).

Le mental, tout en étant une force mystérieuse, n’est pas différent de l’égo. Il sort par les sens et jouit des expériences. Il s’identifie par là avec le corps. C’est pourquoi il doit faire « retour en arrière », s’intérioriser, chercher sa nature et sa source, et cela doit être une investigation ferme et continuelle. Il est vrai que lorsqu’on explore l’origine du « je », mille pensées inutiles, des doutes ou des questions vont se présenter à l’esprit   et se dresser en autant d’obstacles. Ne tâchez pas de comprendre ces pensées ou d’éclaircir ces doutes, ne tâchez pas de donner une réponse. Demandez-vous simplement : ‘A qui ces pensées sont-elles adressées ?’ La réponse étant évidemment ‘à moi’, on revient tout de suite à la question ‘qui suis-je ?’ et le mental fait « retour en arrière », « il rentre en sa source », et la pensée qui fut dressée en obstacle s’est évanouie. (« Who am I ? » n° 11). Ces pensées doivent être détruites sur-le-champ par la recherche, et à la place même où elles sont nées. (Cahier de S. Pillai et « Who am I » n° 19).

Ce qui se dresse dans le corps comme « je » c’est le mental. Si, d’autre part, on demande où, dans quelle partie du corps surgit la pensée du « je », on va découvrir que c’est dans le Cœur. C’est ici le lieu d’origine du mental, et même lorsque quelqu’un est arrivé à penser constamment « je-je », il sera amen  é à cette place. De toutes les pensées qui surgissent dans le mental, la première est celle du « je ». C’est après elle seulement que toutes les autres surgissent. (« Who am I » n° 9). Il est toutefois nécessaire que le mental s’exerce à y rester jusqu’à destruction de la pensée « je » qui est en même temps la forme de l’ignorance qui réside dans le Cœur. (« Self Inquiry » n° 36). Elle sera obtenue par des exercices répétés pour éliminer les obstacles qui s’interposent. Ainsi le mental développera sa capacité de rester dans sa source sans divaguer ni être pris dans le filet des pensées qu’il a créées lui-même. C’est alors qu’il pourra devenir fort et ‘ramassé dans la finesse d’une pointe’ et que la recherche du Soi deviendra facile. Par la recherche du ‘qui suis-je ?’ le mental s’établit dans son propre état pur et devient apaisé.

« Restez comme témoin de tout ce qui se passe ! » est un autre précepte de Maharshi. Adoptez l’attitude de quelqu’un qui dirait : ‘Laissons arriver les choses étranges qui arrivent. Regardons !’ Par là on peut éviter de s’identifier avec les apparences et d’abandonner son soi-même [78], ce qui arrive au mental s’il n’est pas contrôlé. C’est comme un brahmane, qui jouerait différents rôles dans un drame sans jamais oublier dans son mental qu’il est en réalité un brahmane. Il ne faut donc jamais perdre de vue que ‘je suis le Soi’. Si le mental s’en écarte, il faut immédiatement s’exclamer : « Oh ! oh ! je ne suis pas le corps, etc, qui suis-je ?» et il va se rétablir dans son état pur. La recherche du ‘qui suis-je ?’ est donc le moyen principal pour extirper toute la misère humaine (qui provient de la fausse identification du corps avec le Soi profond) et pour gagner la béatitude suprême. (« Self Inquiry » n° 4. 12). On doit donc chercher sa nature réelle, qui est toujours incorporelle, et s’en tenir à elle. (« Self Inquiry » n° 1).

Toutes les autres méthodes de procéder sont moins puissantes pour contrôler le mental. C’est ainsi que la discipline de la respiration va bien l’apaiser, mais seulement aussi longtemps qu’elle dure. Pareillement, la méditation sur les différentes formes de Dieu  , la répétition des syllabes sacrées ou la restriction de la nourriture sont des aides pour le pacifier momentanément, après quoi il va divaguer d’emblée. (« Who am I ? »n° 12).

On doit continuellement s’en tenir à la méditation du Soi, éduquer le mental à rester dans son état originel, être vigilant avant que quoi que ce soit puisse vous déranger. (« Self Inquiry » n° 13). Il ne faut pas non plus chercher les catégories (tattvas) et leurs caractéristiques. On s’en est débarrassé parce qu’elles cachent le Soi. Va-t-on alors faire l’inventaire des ordures que l’on jette ? (« Who am I ? » n° 21).

Ce qui existe réellement, c’est le Soi. Il constitue l’état dans lequel la pensée « je » n’existe plus. On l’appelle « Silence ». Il est Dieu. [2] Tout est Çiva, le Soi. Celui qui se donne entièrement au Soi qui est Dieu, c’est le dévot excellent. Se donner entièrement à Dieu signifie rester constamment dans le Soi. Comme un pêcheur de [79] perles plonge dans les profondeurs de la mer pour les obtenir, chacun doit plonger en soi-même pour y trouver la perle   Soi. (« Who am I ? » n° 16, 18, 19).

En résumant le contenu de cette méthode, certaines considérations semblent s’imposer. D’abord : pour dévoiler l’Etre, le Soi ou le « Je réel » qui se cache derrière le masque d’un pseudo-je ou égo, il faut nous occuper auparavant de celui-ci, nous questionner directement et radicalement sur quelque chose que l’on a l’habitude   d’admettre sans discussion et que tout le monde a l’air de comprendre lorsque quelqu’un dit « je » ou « moi ». Ensuite il ne s’agit pas d’une investigation de la nature du mental, d’une introspection d’ordre psychologique, mais bien plutôt d’une démarche qui a pour but de diriger et de maintenir le mental dans sa source originelle.

La réussite de la méthode paraît dériver du fait que la question « Qui suis-je ? » possède en elle-même un grand pouvoir. Nous savons combien les facteurs d’apaisement, de contrôle, de purification du mental, comme préparation d’un candidat qui veut s’engager dans la recherche de la connaissance du Soi, sont importants pour le Védânta. Nous savons aussi qu’une fois ces conditions remplies, l’élève doit s’acquitter d’autres obligations, parmi lesquelles la connaissance théorique des textes est indispensable. Or, Râmana Maharshi insiste pour nous enseigner que si l’interrogation « qui suis-je ? » est constante et ininterrompue, elle suffit à elle seule et rien d’autre ne s’impose pour arriver à la réalisation de l’Etre. Par conséquent, il invite l’intellectuel, aussi bien que l’homme du peuple, d’appliquer cette méthode. « Même le pécheur a le droit de s’y soumettre à condition qu’il cesse de se prendre pour un pécheur. » (« Who am I ? » n° 14). Tous les autres moyens ne sont pas assez radicaux et ne sauraient être considérés qu’en tant qu’auxiliaires. C’est ainsi que Maharshi, continuateur fervent de la tradition   millénaire de l’esprit hindou, devient en même temps un audacieux innovateur de cet esprit.

L’insistance qu’il montre à recommander cette méthode comme moyen par excellence, radical et direct, pour parvenir à la réalisation du Soi, s’explique en partie par l’influence que la phrase « qui suis-je ? » exerce indubitablement sur le mental. Elle dirige l’élève d’emblée vers une intériorisation par la question du « je ». [80] Elle est capable ensuite d’apaiser et de freiner le mental lorsqu’il divague. Avec la question subsidiaire : « A qui ces pensées arrivent-elles ?» et la réponse évidente : « A moi » la question « qui suis-je ? » se réintroduit tout de suite et remet le mental dans son état originel. Si le mental acquiert progressivement l’habitude de s’y établir de plus en plus fermement, cette même question va se consumer. Le rôle du mental est de s’interroger constamment sur sa source, il doit être aigu, vigilant et lucide, jusqu’à l’arrivée de son destin final qui est son annihilation.

Disons pour finir que cette phrase interrogative de Maharshi se présente en quelque sorte comme une clé de voûte moderne de la réalisation du Soi. Elle calme, contrôle et purifie le mental de toute autre pensée que la pensée du « je », et ceci sans grand effort intellectuel, en demandant cependant une application quotidienne et ininterrompue. Autrement, on pourrait même parler d’un « yoga   sans effort ».


Ver online : RAMANA MAHARSHI


[1Le terme de cœur est très souvent employé par Maharshi qui lui donne plusieurs interprétations. Le sens profond paraît en être qu’il symbolise le Soi, puisque le cœur est considéré comme le centre de l’homme.

[2En Occident, la notion de l’Etre demeure dans le cadre purement conceptuel et abstrait de notre métaphysique. Pour les hindous, cette notion (Atman-Brahman) signifie en revanche le résultat d’une expérience vécue, considérée comme le ‘summum bonum’ de la vie intime de l’homme. C’est pourquoi l’attitude envers la notion de l’Etre est celle d’une dévotion absolue qui, par son intensité, ne se distingue guère de celle d’un parfait dévot envers son Dieu personnel.