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Diálogos de Platão
Platão (Alcibíades I:103a-104e) – Prólogo
Alcibíades
sexta-feira 11 de fevereiro de 2022, por
Chambry
I. — Fils de Clinias, tu es sans doute surpris qu’ayant été ton premier amoureux, je sois le seul qui ne te quitte pas, quand les autres ont cessé de t’aimer, et que, tandis qu’ils t’agaçaient de leurs entretiens, moi je ne t’aie pas même adressé la parole pendant tant d’années. Et la cause n’en était pas dans quelque considération humaine, mais dans l’opposition d’un démon, dont tu apprendras plus tard le pouvoir. A présent qu’il ne s’y oppose plus, je viens à toi et j’ai bon espoir qu’à l’avenir il ne s’y opposera pas davantage. Pendant ce temps, j’examinais comment tu te comportais à l’égard de tes amoureux et voici à peu près ce que j’ai remarqué. Si nombreux et si fiers qu’ils fussent, il n’en est pas un que tu n’aies traité de haut et qui ne se soit retiré. Et la raison de tes dédains, je vais te la dire. Tu prétends n’avoir jamais besoin de personne, parce que tu as assez d’avantages, à commencer par le corps et à finir par l’âme, pour n’avoir besoin d’aucun secours. D’abord tu te dis que tu es très beau et très grand, et en cela tout le monde peut voir que tu ne te trompes pas ; ensuite que tu appartiens à une des plus vaillantes familles de ta cité, qui est la plus grande de la Grèce, que tu y as, du côté de ton père, beaucoup d’amis et de parents du premier rang, qui pourront te seconder en cas de besoin, et que tu n’en as pas moins ni de moins considérables du côté de ta mère. Mais plus encore que sur tous ces avantages que je viens d’énumérer, tu comptes sur l’influence de Périclès, fils de Xanthippe, que ton père vous a laissé pour tuteur, à toi et à ton frère, Périclès, qui peut faire ce qu’il veut, non seulement dans cette ville, mais dans toute la Grèce et chez beaucoup de grandes nations barbares. J’ajouterai que tu es au nombre des riches, mais c’est de quoi tu me parais être le moins fier. Gonflé de tous ces avantages, tu t’es mis au-dessus de tes amoureux, et eux, sentant leur infériorité, se sont tenus pour battus, et tu t’en es bien rendu compte. Voilà pourquoi tu te demandes, j’en suis sûr, quelle idée je puis avoir pour ne pas renoncer à mon amour et dans quel espoir je reste, quand les autres se sont retirés.
ALCIBIADE
II. — Mais peut-être ne sais-tu pas, Socrate , que tu ne m’as prévenu que d’un moment. J’avais en effet l’intention de t’aborder le premier et de te poser cette question même : « Que veux-tu donc et qu’espères-tu en m’importunant et en te trouvant toujours si exactement partout où je suis ? » Car véritablement j’ai peine à concevoir à quoi tu penses et j’aurais beaucoup de plaisir à l’apprendre.
SOCRATE
Alors tu m’écouteras, je présume, de bonne grâce, si tu as, comme tu dis, envie de savoir ce que je pense. Je compte donc que tu vas rester ici pour m’entendre, et je m’explique.
ALCIBIADE
Tu peux y compter certainement ; parle.
SOCRATE
Méfie-toi pourtant ; car il ne serait pas étonnant si, comme j’ai eu de la peine à commencer, j’en avais aussi à finir.
ALCIBIADE
Parle, mon bon ami : je t’écouterai.
Taylor
Socrates
Son of Cliniast you wonder, I suppose, that I, who was the earliest of your admirers, now, when all the rest have forsaken you, am the only one who still retains unalterably the same sentiments; and yet, that for so many years I have never spoken so much as a word to you, whilst the others were pressing through crowds of people to converse with you. This reserve and distance in my behaviour have been owing to no human regards, but to an impediment thrown in my way by a daemoniacal nature, the power and force of which you shall by and by be made acquainted with. But now, seeing that this power no longer operates to hinder my approach, I am come thus to accost you; and am in good hopes too, that for the future the daemon will give no opposition to my desire of conversing with you. All this while, however, being but a spectator, I have been able tolerably well to observe and consider your behaviour with regard to your admirers. And I find, that, though they have been numerous, and such persons too as thought highly of themselves, there is not one whom you have not driven away from you by your superior haughtiness and imagined elevation. The reasons of your being exalted so highly in your own opinion, I am desirous of laying before you. They are these: You presume, that in no affair whatever you need assistance from any other party: for that what you have of your own, whether of outward advantages or inward accomplishments, is so great as to be all-sufficient. In the first place, you think yourself excelling in the handsomeness of your person and in the fineness of your figure. And in this opinion it is evident to every one who has eyes that you are not mistaken. In the next place, you dwell on these thoughts: that you are descended from families the most illustrious in the state to which you belong; that this state is the greatest of any in Greece; that you have friends here, and relations on your father’s side, very numerous and very powerful, ready to assist you on every occasion; and that your relations on your mother’s side are not inferior to them, either in power or in number. But a greater strength than from all these whom I have mentioned, taken together, you think that you derive from Pericles, the son of Xanthippus, whom your father left guardian to yourself and to your brother: Pericles, who is able to do what he pleases; and that, not only at Athens, but throughout all Greece, and with many and great families abroad. To all these advantages I shall add the greatness of your estate; though, indeed, on this advantage you seem to value yourself less than you do on any other. Elevated as you are in your own mind on these accounts, you have looked down on your admirers: and they, conscious of their comparative meanness, have bowed their heads, and have retired. This you are very sensible of: and therefore I well know that you wonder what I can have in my thoughts, or what hopes I can entertain, seeing that I quit you not, but continue my attachment to you still, when your other admirers have all forsaken you.
ALC. This however, Socrates, perhaps you do not know, that you have been a little beforehand with me. For I really had it in my mind to address you first, and to ask you these very questions: What can possibly be your meaning, and with what views or expectations is it, that you continually press on me, and, wherever I am, are assiduous to be there yourself? for I do in truth wonder, what your business can be with me, and should be very glad to be informed.
Soc. You will hear me then, ’tis to be supposed, with willingness and attention, if you really are desirous, as you say you are, of knowing what I have in my thoughts. I speak therefore as to a person disposed to hear, and to stay till he has heard all.
ALC. I am entirely so disposed: it is your part to speak.
SOC. But observe this: you must not wonder, if, as I found it difficult to make a beginning, I should find it no less difficult to make an end.
ALC. My good man, say all you have to say; for I shall not fail to attend to you.
Cousin
[103a] SOCRATE.
Fils de Clinias, tu es sans doute surpris qu’ayant été le premier à t’aimer, seul je te reste fidèle, quand tous mes rivaux t’ont quitté ; et que les autres t’ayant fatigué de leurs protestations d’amour, j’aie été tant d’années sans même te parler. Et ce n’est aucune considération humaine qui m’a retenu, c’est une considération toute divine, comme je te l’expliquerai plus tard. Mais aujourd’hui [103b] que l’obstacle qui nous séparait s’est retiré, je m’empresse de t’aborder, et j’espère que désormais cet obstacle ne reparaîtra plus. Sache donc que pendant tout le temps de mon silence, je n’ai presque cessé de réfléchir et d’avoir les yeux ouverts sur ta conduite avec mes rivaux. Parmi ce grand nombre d’hommes orgueilleux qui se sont attachés à toi, il n’y en a pas un que tu n’aies rebuté par tes dédains ; [104a] et je veux te dire ici la cause de tes mépris pour eux. Tu crois n’avoir besoin de personne, et, qu’à commencer par le corps et à finir par l’âme, tu as trop d’avantages pour qu’aucun secours te soit nécessaire. Car, premièrement, tu te crois le plus beau et le mieux fait de tous les hommes, et, à vrai dire, il ne faut que te voir pour être bien sûr que tu ne te trompes pas : en second lieu, tu te crois de la plus illustre famille d’Athènes, qui est la première de toutes les villes grecques ; [104b] tu sais que, du côté de ton père, tu y as des amis et des alliés nombreux et puissants qui t’appuieront en toutes rencontres, et que tu n’en as pas moins, ni de moins considérables, du côté de ta mère[416] ; mais ce que tu regardes comme ta plus grande force, c’est Périclès, fils de Xantippe, que ton père t’a laissé pour tuteur à toi et à ton frère, Périclès dont l’autorité est si grande, qu’il fait tout ce qu’il veut, non-seulement dans cette ville, mais aussi dans toute la Grèce et chez les plus puissantes nations étrangères. Je pourrais encore parler de tes richesses, [104c] si je ne savais que c’est ce qui te donne le moins de vanité. Tous ces grands avantages t’ont si fort enflé le cœur, que tu as méprisé tous tes amants comme des hommes indignes de toi ; eux, à leur tour, se sont retirés. Cela ne t’a pas échappé ; et voilà pourquoi je sais bien que tu t’étonnes de me voir persister dans mon amour, et que tu cherches quelle espérance j’ai pu conserver pour te suivre encore après que tous mes rivaux t’ont abandonné.
ALCIBIADE.
Mais une chose que tu ne sais peut-être pas, Socrate, c’est que tu ne m’as prévenu [104d] que d’un moment. J’avais dessein de t’aborder le premier, et de te demander ce que tu veux, et ce que tu espères pour m’importuner comme tu fais, te trouvant toujours très soigneusement dans tous les lieux où je vais ; car véritablement je ne puis concevoir ce que tu prétends, et tu m’obligeras de t’expliquer.
SOCRATE.
Tu m’entendras donc volontiers si, comme tu le dis, tu as envie de savoir ce que je pense ; et je vais te parler comme à un homme qui aura la patience de m’entendre, et qui ne cherchera pas à m’échapper.
ALCIBIADE.
A merveille ; voyons, parle.
SOCRATE.
[104e] Prends bien garde à quoi tu t’engages, afin que tu ne sois pas surpris si j’ai autant de peine à finir que j’en ai eu à commencer.
ALCIBIADE.
Parle, mon cher, je t’entendrai tout le temps que tu voudras.
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