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De Arquimedes a Einstein

Thuillier (AE:22-25) – para livrar-se do dogma da imaculada concepção da ciência

sexta-feira 29 de outubro de 2021, por Cardoso de Castro

      

Thuillier  , Pierre. De Arquimedes a Einstein. A Face   Oculta da Invenção Científica. Tr. Maria Inês Duque-Estrada. Rio de Janeiro: Jorge Zahar Editor, 1994 (Ed. A. Fayard, 1988, pp. 22-25)

      

tradução

O que encontram os historiadores em geral e os historiadores das ciências em particular não é a Razão (universal   e impessoal), mas homens que inventam e constroem certas formas de racionalidade. A própria "ciência" ocidental, por mais elevadas que sejam suas qualidades, não caiu do céu foi elaborada passo a passo, bem lentamente, sem que se possa resumir seus processos por fórmulas simples. Nos manuais, é frequente que a "revolução científica" do início do século XVII seja apresentada como um súbito triunfo do intelecto   humano; e, para precisar, alguns historiadores ressaltam que primeiro foi preciso uma "revolução filosófica". O que parece exato, pelo menos se isto significa que era preciso haver uma nova concepção da natureza para inventar uma ciência nova. Porém, basta que filósofos tenham novas ideias? E por que foi preciso esperar o fim do Renascimento para que o célebre Método fosse concebido e eficientemente utilizado? E verdade, aliás, que a ciência efetiva tenha sido precedida pela definição de um novo método? E por que esses maravilhosos achados foram feitos na Europa? Os gregos e os árabes, entre outros, já haviam concebido noções e esquemas de tipo "científico". Como se explica que um certo umbral, aparentemente decisivo, tenha sido transposto por volta de 1600? Qual "motor" sociocultural foi acionado?

[...] Os historiadores desbravaram muito terreno, trouxeram à luz muitos documentos e propuseram muitas interpretações interessantes. Mas ocorre na história das ciências como nas próprias ciências: frequentemente, é delicadíssimo detectar e avaliar os "bons" fatos, os que foram importantes, até mesmo decisivos... A "revolução científica" foi, de certo modo, superdeterminada; a convergência de múltiplos fatores favoráveis, conforme a expressão consagrada, é que a tornou possível, e mesmo quase inevitável. Não quero dizer, com isso, que as menores especulações científicas (ou pré-científicas) daquela época sempre tiveram "causas" diretas absolutamente precisas e perfeitamente destacáveis. Mas que o movimento   geral ao qual se assistiu no campo   das atividades cognitivas pode ser entendido como a expressão de um conjunto   de transformações socioculturais que diziam respeito às maneiras   de produzir, de viver  , de sentir e de pensar. Em outras palavras, faço livre uso desta hipótese emprestada daquilo a que chamam "sociologia do conhecimento": cada sociedade gera um tipo de saber (ou tipos de saberes) em que se expressam (consciente ou inconscientemente) as estruturas, os valores e os projetos desta mesma sociedade. Cada sociedade, para empregar uma expressão simples porém cômoda, tem um estilo, e este estilo reflete-se em sua concepção de conhecimento. Inversamente, sempre dentro da mesma perspectiva, torna-se normal questionar-se sobre as bases sociais de todas as atividades cognitivas. E, por exemplo, perguntar-se de onde vêm os diversos pressupostos (filosóficos, metodológicos, semânticos etc.) que as estruturam e as tornaram possíveis. [...]

As simplificações mais caricaturais certamente provêm dos historiadores que tentam descrever o nascimento da ciência recorrendo à história das ideias, à história das mentalidades e à antropologia cultural.

Elas devem, isto sim, ser procuradas entre os que querem, a qualquer preço, confirmar o dogma   da Imaculada Concepção da Ciência. Eles é que tornam incompreensível a gênese dessa ciência dissimulando de maneira mais ou menos inocente (conforme o caso) todas as contribuições "externas" que foram necessárias a seu amadurecimento. Uma espécie de intelectualismo abstrato, ainda aí, provoca uma devastação; e isto, é preciso dizer, com o aval de certos historiadores idealistas. E de se pensar que os cientificistas têm vergonha   de reconhecer   certas filiações, certas heranças, como se fosse desonroso, por exemplo, ter dívidas para com os mecanicistas, engenheiros e artistas.

Original

Ce que rencontrent les historiens en général et les historiens des sciences en particulier, ce n’est pas la Raison (universelle et impersonnelle), mais des hommes qui inventent et construisent certaines formes de rationalité. La «science» occidentale elle-même, si hautes que soient ses qualités, n’est pas tombée du ciel. Elle a été élaborée petit à petit, assez lentement, sans qu’on puisse résumer ce processus   par des formules simples. Dans les manuels, il est fréquent que la «révolution scientifique» du début du XVII siècle soit présentée comme un triomphe soudain de l’intellect humain ; et, pour préciser, quelques historiens soulignent qu’il a d’abord fallu une «révolution philosophique». Ce qui paraît exact, du moins si cela signifie qu’il fallait avoir une nouvelle conception de la nature pour inventer une science nouvelle. Mais a-t-il suffi que des philosophes aient de nouvelles idées ? Et pourquoi a-t-il fallu attendre la fin de la Renaissance pour que la célèbre Méthode soit conçue et efficacement utilisée? Est-il vrai, d’ailleurs, que la Science effective ait été précédée par la définition d’une nouvelle Méthode ? Et pourquoi ces merveilleuses trouvailles ont-elles été faites en Europe ? Les Grecs et les Arabes, entre autres, avaient déjà mis au point des notions et des schémas de type « scientifique ». Comment se fait-il qu’un certain seuil, apparemment décisif, ait été franchi autour de 1600 ? Quel est le « moteur » socioculturel qui a agi ?

Plusieurs chapitres de ce livre (chapitres II, III, IV, VI et VII) abordent ces questions générales à partir de cas précis. Les historiens ont défriché beaucoup de terrain, mis au jour maints documents et proposé maintes interprétations intéressantes. Mais il en va pour l’histoire des sciences comme pour les sciences elles-mêmes : il est souvent très délicat de repérer et d’évaluer les «bons» faits, ceux qui ont été importants, voire décisifs... La « révolution scientifique » a été en quelque sorte surdéterminée ; c’est la convergence de multiples facteurs favorables, selon l’expression consacrée, qui l’a rendue possible et même quasiment inévitable. Je ne veux pas dire par là que les moindres [23] spéculations scientifiques (ou préscientifiques) de cette époque ont toujours eu des « causes » directes absolument précises et parfaitement repérables. Mais que le mouvement général auquel on a assisté dans le domaine des activités cognitives peut être compris comme l’expression d’un ensemble de transformations socio-culturelles qui concernaient les manières de produire, les manières de vivre, les manières de sentir et les manières de penser. En d’autres termes, je fais un libre usage de cette hypothèse empruntée à ce qu’on appelle la « sociologie de la connaissance » : chaque société engendre un type de savoir (ou des types de savoirs) où s’expriment (consciemment ou inconsciemment) les structures, les valeurs et les projets de cette même société. Chaque société, pour employer une expression simple mais commode, a un style ; et ce style se reflète dans sa conception de la Connaissance. Inversement, toujours dans la même perspective, il devient normal de s’interroger sur les bases sociales de toutes les activités cognitives. Et par exemple de se demander d’où viennent les présupposés divers (philosophiques, méthodologiques, sémantiques, etc.) qui les structurent et les ont rendues possibles.

Dans l’étude des sociétés qu’on appelait naguère «primitives» et qu’on préfère maintenant désigner comme « traditionnelles », le recours à ce présupposé est courant : l’anthropologue essaye de comprendre comment les savoirs d’une telle société «fonctionnent» dans le cadre d’un système global, c’est-à-dire comment ils s’articulent avec les intérêts collectifs (qu’ils soient économiques, religieux, politiques, etc.) et comment ils interagissent avec toutes les autres institutions. Le même type de recherche a été effectué à propos des anciens Grecs, à propos du Moyen Age occidental. Pourquoi donc n’utiliserait-on pas cette grille d’interprétation dans le cas de la science moderne ? En vertu de quel privilège nos propres savoirs devraient-ils échapper au sort commun ? Pourquoi ne nous interrogerions-nous pas sur les affinités qui peuvent exister entre les intérêts d’une société d’entrepreneurs et les idéaux épistémologiques propres à la Méthode Expérimentale ?

Ceux qui n’aiment pas qu’on enquête sur les bases profanes des Savoirs Purs ont vite fait de crier au réductionisme. Ne va-t-on pas rabaisser la science en mettant abusivement l’accent sur le caractère terrestre de ses origines ? Ne risque-t-on pas de retomber dans les erreurs de l’économisme et du sociologisme, dans les pièges maintes fois dénoncés du «marxisme vulgaire»? Comment peut-on croire, par exemple, que Newton a inventé la théorie de la gravitation à seule fin de servir les intérêts matériels de la bourgeoisie montante ?

[24] Je voudrais rassurer ceux qui sont tentés de formuler des critiques de ce genre. Mettre «la science» en situation n’implique aucunement qu’on adopte une perspective grossièrement utilitariste. Il n’y a pas eu de complot, il n’y a pas eu de concertation plus ou moins machiavélique organisée par les autorités. Les entrepreneurs ne se sont pas dit un beau matin : «Nous allons créer la science moderne afin d’améliorer les tirs d’artillerie et le rendement de nos machines. » Certes, les préoccupations pratiques n’étaient pas absentes ; elles ont même joué un grand rôle (voir entre autres le chapitre sur Léonard de Vinci). Mais point n’était besoin de vouloir aider les entrepreneurs de l’époque pour ressentir le besoin d’un nouveau savoir et pour travailler à l’élaboration d’une science plus réaliste.

C’est toute la culture qui était en train de changer. Le travail humain était revalorisé et les praticiens (ingénieurs, artistes-ingénieurs, etc.) occupaient une position de plus en plus forte  . L’organisation de la production se rationalisait; hommes d’affaires et banquiers découvraient les merveilleux usages qu’on pouvait faire des mathématiques. C’est dans ce contexte culturel qu’il faut essayer de comprendre la genèse d’un nouveau style de savoir. L’obsession du rendement et du profit se manifestait déjà ; mais, corrélativement, de nouveaux instruments intellectuels faisaient leur apparition ou se perfectionnaient. Et une nouvelle conception de la nature, indépendamment de toute préoccupation utilitaire immédiate, s’imposait à de nombreux esprits. L’exemple de la philosophie mécaniste, sur lequel je ne peux pas m’appesantir ici, est tout à fait significatif. Dans ce monde où depuis quelques siècles se multipliaient les machines, voilà qu’il paraissait soudain évident que la Nature elle-même fonctionnait mécaniquement... Sur la base constituée par ce présupposé essentiel et par quelques autres du même genre, il était possible (et éminemment souhaitable) d’inventer une autre science, plus expérimentale, plus quantitative, plus analytique. On est toujours le réductioniste de quelqu’un, assurément. Mais je ne crois pas qu’il soit déraisonnable ou scandaleux de présenter la science elle-même comme une invention, - comme une manière particulière de s’approprier le monde imaginée par des sujets humains historiquement situés.

D’autant plus que, comme beaucoup d’historiens, je reconnais pleinement le rôle de diverses traditions, l’importance d’emprunts divers faits aussi bien à la culture arabe qu’à la culture chrétienne. Qu’on se reporte par exemple au chapitre II, consacré à la «révolution scientifique du XIIe siècle» (il concerne entre autres la [25] «redécouverte» de l’Antiquité et l’assimilation de la culture scientifique des Arabes) ; et au chapitre VI (où est abordé le problème toujours « chaud » des rapports entre la science et l’Église catholique). Les simplifications les plus caricaturales ne proviennent certainement pas des historiens qui tentent de décrire la naissance de la science en recourant à l’histoire des idées, à l’histoire des mentalités et à l’anthropologie culturelle. Bien plutôt, elles sont à chercher chez ceux qui veulent à tout prix confirmer le dogme de l’immaculée Conception de la Science. Ce sont eux qui rendent incompréhensible la genèse de cette science en dissimulant de façon plus ou moins innocente (selon les cas) toutes les contributions «externes» qui ont été nécessaires à sa maturation. Une sorte d’intellectualisme abstrait, là encore, fait des ravages ; et ce, il faut bien le dire, avec la caution de certains historiens idéalistes. A croire que les scientistes ont honte de reconnaître certaines filiations, certains héritages, comme s’il était déshonorant, par exemple, d’avoir des dettes envers les mécaniciens, les ingénieurs et les artistes...


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