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La Grande Implosion

Thuillier (GI:410-414) – a ciência moderna é uma tecnociência

HOMO SCIENTIFICUS

sexta-feira 29 de outubro de 2021, por Cardoso de Castro

      

THUILLIER  , Pierre. La Grande Implosion. Rapport sur l’effondrement de l’Occident 1999-2002. Paris: Librairie Arthème Fayard, 1995, p. 410-414

      

tradução parcial

Galileu   não foi apenas um professor, mas um engenheiro e até mesmo um inventor, reconhecido em ambas atividades.

A verdadeira missão de Galileu foi de aportar aos ocidentais a tecnociência da qual eles sonhavam desde muito tempo. A saber uma ciência destacada de toda perspectiva espiritual, puramente operatória, astuciosamente adaptada aos hábitos mentais e às necessidades materiais dos burgueses modernos.

Para disso se ter certeza  , basta abrir a obra maior de Galileo Galilei aparecida em 1638: "Discurso a respeito de duas ciências novas". Apresentados sob a forma de diálogo  , estes discursos punham em cena três interlocutores dos quais um, Salviatu, representava Galileu ele mesmo. Eis como este personagem se exprimia desde o início da obra: "Que amplo campo   de reflexão me parece abrir aos espíritos especulativos a frequentação assídua de vosso famoso arsenal, senhores venezianos, e particularmente o quarteirão dos trabalhos mecânicos. Todas as espécies de instrumentos e de máquinas aí estão com efeito postas em funcionamento   por um grande número   de artesão dos quais alguns, tanto pelas observações que seus predecessores lhes legaram quanto por aquelas que eles fazem sem cessar eles mesmos, aliam necessariamente a maior habilidade   ao julgamento mais penetrante". Galileu, de pronto, anuncia o tom: ele também, iria se esforçar por ter o espírito penetrante e utilizar ao máximo seus talentos de macânico-observador. Melhor ainda, a primeira das duas "ciências novas" que apresentou ao público era uma ciência de engenheiro tipicamente: a resistência dos materiais. Maurice Clavelin, historiador das ciências, notava oportunamente comentando este texto: "Presente   no limiar da pesquisa, a técnica dela também é a conclusão normal". Dito de outro modo, Galileu, se tivesse vivido no século XX, teria conduzido suas pesquisas no centro   de pesquisa de uma grande empresa ou no escritório de estudos de um estaleiro naval. Ele cuidava, com efeito, de explicitar o interesse   prático de seu trabalho   sobre a resistência das vigas: "Vê-se assim como é possível diminuir de mais de 33 por cento o peso das vigas sem alterar   sua robustez; o que nos navios de grandes dimensões, principalmente para suportar o convés, será de uma utilidade   não negligenciável, posto que também em tais construções a leveza   tem uma importância capital".

Original

Mais les Occidentaux répugnaient à admettre que leur “science” consacrait à sa manière le triomphe des techniciens. Aussi présentaient-ils en général la genèse de la science expérimentale sous un jour subtilement trompeur. Au lieu de mettre en évidence les étroites relations qui avaient d’emblée existé entre cette dernière et les activités techniques, ils les laissaient dans l’ombre (et parfois même les dissimulaient).

Ainsi de nombreux textes consacrés à Galilée ne mentionnaient même pas ses activités d’ingénieur. Sans doute eût-il été trop prosaïque de rappeler que ce glorieux père fondateur avait rédigé un traité d’architecture militaire et un Trattato di meccaniche [410] qui faisait la part belle à « l’utilité des machines ». Galilée n’avait pas seulement été un professeur, mais un ingénieur et même un inventeur. On lui devait notamment une machine destinée à élever l’eau et un “compas géom  étrique militaire” grâce auquel les artilleurs et autres experts pouvaient effectuer commodément certains calculs. Comme l’expliquait l’historien italien Ludovico Geymonat, cet instrument était « si pratique que son emploi se répandit jusqu’au moment où l’on commença à se servir des tables de logarithmes fondées sur un principe tout à fait différent ». Mais il y avait plus important encore : c’étaient les activités des mécaniciens et autres praticiens qui avaient inspiré à Galilée ses innovations scientifiques les plus “modernes”. Faire de la science expérimentale, en deux mots, cela consistait à créer des situations artificielles (des situations techniques) dans lesquelles les phénomènes physiques pourraient être étudiés de façon rigoureuse.

Il fallait certes raisonner, avoir des idées théoriques et formuler des hypothèses. Mais la grande nouveauté concernait la méthode à utiliser pour tester les hypothèses en question. Le message de Galilée, sur ce point fondateur, se ramenait à ceci : il fallait utiliser les ressources de la technique pour organiser des expérimentations systématiques et précises à l’aide de dispositifs ad hoc. Voulait-on par exemple étudier « l’action du vide » ? Galilée décrivait alors un dispositif expérimental, c’est-à-dire une machine comprenant un cylindre, une sorte de piston et quelques accessoires ; et il expliquait comment il fallait l’utiliser pour parvenir à des conclusions “scientifiques”. Notons au passage que le problème posé par « l’action du vide » avait lui-même son origine dans la pratique des techniciens : pourquoi aucune pompe ne pouvait-elle faire monter l’eau au-dessus de dix-huit coudées ? Cette science-là, indéniablement, ne pouvait être dissociée de la technologie : née chez les ingénieurs, utilisant les ressources de l’ingénierie, elle avait [411] vocation à améliorer les techniques existantes et à faire surgir   de nouvelles inventions.

Galilée s’était livré par ailleurs à d’importants travaux d’astronomie ; par cette partie de son œuvre, il se rattachait dans une certaine mesure à la tradition   contemplative (mettre au jour les harmonies secrètes de la Nature). Mais, comme le soulignait avec insistance le professeur Dupin, son apport le plus original était d’un tout autre ordre. « La vraie mission de Galilée, disait-il, a été d’apporter aux Occidentaux la technoscience dont ils rêvaient depuis si longtemps. À savoir une science détachée de toute perspective spirituelle, purement opératoire, astucieusement adaptée aux habitudes mentales et aux besoins matériels des bourgeois modernes. »

Pour s’en assurer, il suffisait d’ouvrir l’ouvrage majeur de Galileo Galilei paru en juillet 1638 : Discours concernant deux sciences nouvelles. Présentés sous forme de dialogue, ces discours mettaient en scène trois interlocuteurs dont l’un, Salviati, représentait Galilée lui-même. Voici comment ce personnage s’exprimait dès le début de l’œuvre : « Quel large champ de réflexion me paraît ouvrir aux esprits spéculatifs la fréquentation assidue de votre fameux arsenal, seigneurs vénitiens, et particulièrement le quartier des “travaux mécaniques”. Toutes sortes d’instruments et de machines y sont en effet constamment mis en œuvre par un grand nombre d’artisans dont certains, tant par les observations que leurs prédécesseurs leur ont léguées que par celles qu’ils font sans cesse eux-mêmes, allient nécessairement la plus grande habileté au jugement le plus pénétrant. » Galilée, d’emblée, annonçait la couleur   : lui aussi, il allait s’efforcer d’avoir l’esprit   « pénétrant » et d’utiliser au mieux ses talents de mécanicien-observateur. Mieux encore, la première des deux sciences nouvelles qu’il présentait au public était une science d’ingénieur tout à fait typique : la résistance des matériaux. Maurice Clavelin, historien des sciences, le [412] notait opportunément en commentant ce texte : « Présente au seuil de la recherche, la technique en est aussi l’aboutissement normal. » Pour le dire autrement, Galilée, s’il avait vécu au XXe siècle, aurait mené ces recherches-là dans le centre de recherche d’une grande entreprise ou dans le bureau d’études d’un chantier naval. Il prenait soin, en effet, d’expliciter l’intérêt pratique de son travail sur la résistance des poutres : « On voit ainsi comment il est possible de diminuer de plus de trente-trois pour cent le poids des poutres sans altérer leur robustesse ; ce qui sur les navires de grandes dimensions, notamment pour supporter les ponts, sera d’une utilité non négligeable, puis-qu’aussi bien dans de telles constructions la légèreté a une importance capitale. »

Les ouvrages destinés au grand public, comme de juste, s’abstenaient de mentionner ce fait et en tout cas d’en dégager la signification : la première « science nouvelle » de l’Occident était une science d’ingénieurs, une science appliquée, une technoscience. Mieux valait montrer Galilée dans une posture de Grand Savant, de noble théoricien. L’accent était donc mis sur la seconde science, celle qui concernait la trajectoire des projectiles. De cette façon, du moins à première vue, il était plus facile de placer un joli couplet sur la science pure : étudier le déplacement d’un mobile dans l’espace, c’était faire de la cinématique, de la “mécanique rationnelle”. Avec un tel thème, il devenait possible de chatouiller agréablement les zones les plus délicates de l’intellect bourgeois. Mais, si brillante qu’elle fût, cette seconde science se présentait elle aussi comme intimement reliée à la pratique, et spécialement à celle des artilleurs. Galilée confirmait “rationnellement”, entre autres, que la portée maximale d’un canon ou d’un mortier était obtenue pour une élévation de 45 degrés.

Qu’il n’y ait pas de malentendu : Galilée était un grand théoricien. Mais, pour parler comme Ludovico Geymonat, [413] « l’orientation technique » de son esprit était partout perceptible ; et même en astronomie. Dans ce domaine, sa plus célèbre découverte avait été celle des satellites de Jupiter  . Découverte tout à fait “pure”, apparemment. Mais si Galilée avait cherché à mesurer exactement la période de chacun de ces satellites, ce n’était pas seulement pour des raisons théoriques. Il pensait que, grâce à ces données, un observateur situé en un point quelconque du globe serait capable de déterminer sa longitude. Pour les navigateurs, une telle méthode eût été fort utile. Aussi Galilée s’adressa-t-il à plusieurs gouvernements (et en particulier au roi d’Espagne) pour les intéresser à ce projet de “science appliquée”. Ce fut en vain ; et sans doute cette méthode était-elle trop complexe pour être appliquée. Cet épisode n’en est pas moins instructif : Galilée ne manquait jamais une occasion de trouver une utilité pratique à ses travaux.