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L’activité rationaliste de la physique contemporaine

Bachelard (ARPC) – o mundo científico é uma escola

A atividade racionalista da física contemporânea

quarta-feira 27 de outubro de 2021, por Cardoso de Castro

      

Gaston Bachelard   (1965), L’activité rationaliste de la physique contemporaine. Paris : Les Presses universitaires de France, 1965

      

tradução parcial

Como não inscrever doravante na filosofia fundamental do pensamento   científico, na sequência de seu estatuto intersubjetivo, seu inelutável caráter social? Pois enfim, esta essencial pluralidade dos pensadores de um pensamento científico determinado, aí está, como diz o poeta, a expressão do homem   "na milésima pessoa   do singular" , aí está uma geração de cientistas unificada na singularidade de uma verdade novíssima, na facticidade de uma experiência desconhecida das gerações anteriores. Parece que o caráter social das ciências físicas se designa precisamente pelo evidente   progresso destas ciências. O trabalhador isolado deve confessar "que não teria encontrado isso sozinho". Este progresso dá a essas ciências uma verdadeira história de ensino cujo caráter social não pode ser ignorado. comunhão social do racionalismo docente e do racionalismo discente que tentamos caracterizar em nossa obra anterior   (trata-se do Rationalisme appliqué [Racionalismo aplicado]) dá ao espírito científico a din  âmica de um crescimento regular, a dinâmica de um progresso certo, de um progresso confirmado psicológica e socialmente pela própria expansão das forças culturais. O homem hesita. A Escola — em ciências — não hesita. A Escola — em ciências — leva de roldão. A cultura científica impõe suas tarefas, sua linha de crescimento. As utopias filosóficas, aí, não têm poder algum. O idealismo nada mostra. É preciso pôr-se na escola, na escola como ela é, na escola que ela se torna, no pensamento social que a transforma.

Original

Et comment ne pas inscrire désormais dans la philosophie fonda-mentale de la pensée scientifique, à la suite de son statut inter-subjectif, son caractère social inéluctable ? Car enfin cette essentielle pluralité des penseurs d’une pensée scientifique déterminée, voilà bien, comme dit le poète, l’expression de l’homme « à la millième personne du singulier » , voilà bien une génération de savants uni-fiée dans la singularité d’une vérité toute nouvelle, dans la facticité d’une expérience inconnue des générations antérieures. Il semble que le caractère social des sciences physiques se désigne précisément par l’évident progrès de ces sciences. Le travailleur isolé doit avouer « qu’il n’aurait pas trouvé cela tout seul ». Ce progrès donne à ces sciences une véritable histoire d’enseignement dont le caractère social ne peut pas être méconnu. La communion sociale du rationalisme enseignant et du rationalisme enseigné que nous avons essayé de caractériser dans notre ouvrage précédent donne à l’esprit   scientifique la dynamique d’une croissance régulière, la dynamique d’un progrès certain, d’un progrès confirmé psychologiquement et socialement par l’expansion même des forces culturelles. L’homme hésite. L’École — en sciences — n’hésite pas. L’École — en sciences — entraîne. La culture scientifique impose ses tâches, sa ligne de croissance. Les utopies philosophiques n’y peuvent rien. L’idéalisme ne montre rien. Il faut se mettre à l’école, à l’école telle qu’elle est, à l’école telle qu’elle devient, dans la pensée sociale qui la transforme.

Et puisque nous ne voudrions rien oublier des caractères qui dé-terminent l’évolution de la pensée scientifique, il nous faut indiquer l’extrême importance du livre scientifique moderne. Les forces cultu-relles veulent la cohérence et l’organisation des livres. La pensée scientifique est un livre actif, un livre à la fois audacieux et prudent, un livre à l’essai, un livre dont on voudrait déjà donner une nouvelle édition, une édition améliorée, refondue, réorganisée. C’est vraiment l’être d’une pensée en voie de croissance. Si l’on oublie ce caractère de solidité successive de la culture scientifique moderne, on mesure mal son action psychologique. Le philosophe parle de phénomènes et de noumènes. Pourquoi ne donnerait-il pas son attention à l’être du livre, au bibliomène ? Un philosophe sceptique demande-t-il si l’électron existe ? Ce n’est pas fuir le débat que de lui répandre par l’argument du livre : le nombre des livres écrits sur l’électron en cinquante ans est sans doute plus grand que le nombre des livres écrits sur la lune   en cinq   cents ans. Exister par le livre, c’est déjà une existence, une existence si humaine, si solidement humaine ! En vain, on objectera que la lune « existe » pour deux milliards d’hommes — avec quelle variété de valeurs ontologiques et précisément sans grande garantie de commune objectivité — tandis que l’électron n’existe que pour quelques milliers de physiciens avertis transmettant leur culture à quelques centaines de milliers de lecteurs attentifs. Mais c’est en cela précisément qu’il devient nécessaire d’édifier une philosophie de la culture scientifique où toutes les occasions de donner une hiérarchie des valeurs de réalité seront indiquées. Une telle philosophie de la culture scientifique est bien différente du scientisme puisque loin d’être satisfaite des résultats acquis, cette philosophie s’engage aventureusement dans une discussion sur les valeurs philosophiques des thèmes variés de l’expérience et des diverses dialectiques qui bouleversent et réorganisent les valeurs rationnelles. Par de tels efforts, la nature est mise sous le signe de l’homme actif, de l’homme inscrivant la tech-nique dans la nature . La cohérence humaine autour d’un être tech-nique est finalement plus forte   qu’autour d’un objet naturel. Or la technique ne se découvre pas, elle s’apprend dans un enseignement, elle se transmet dans des épures. Nous sommes devant des valeurs d’objectivité codifiées.
Cette instance de la science écrite, cette instance de la pensée im-primée est fort propre à accentuer l’adhésion de la pensée scientifique au langage spécial de la science, au langage créé au fur et à mesure des découvertes de la science. II suffit alors d’un instant de réflexion pour reconnaître que ce langage n’est pas naturel. Une pensée qui parlera ce langage ne pourra rester vraiment une pensée « naturaliste ». L’activité nouménale est alors évidente. Les noumènes de la pensée scientifique sont des outils de pensée pour la transformation des phénomènes. Ils n’ont plus rien des rapports avec une statique chose en soi. Ils s’éclairent dans la syntaxe   des théories. Si l’homme se borne à échanger ses impressions sur les phénomènes naturels, il reste l’homme naturel. Il ne saurait alors être objectif. Il reste au stade de l’idéalisme des impressions naturelles, des impressions qui se font une gloire d’être individuelles, dans une bien commune [8] revendication d’originalité. La science moderne réclame au contraire un acte social essentiel puisqu’on n’y participe qu’en se plaçant dans le milieu polémique actuel. On ne conçoit plus une science « inactuelle ». Trop loin dans le passé, la science est érudition. Trop loin dans l’avenir, elle est utopie.

On se tromperait d’ailleurs si l’on espérait pouvoir faire le point et fixer « l’état présent » de la science. Cette notion d’état est bien près d’être, elle aussi, une notion périmée. La science a pris une telle mul-tiplicité qu’on ne peut plus la situer dans sa totalité. Un spécialiste peut seulement espérer fixer « l’état de la question » qu’il étudie. Même sous son aspect si spécial de science écrite, notre culture se présente dans un assez grave désordre. Tout travailleur moderne souffre d’une mauvaise distribution des livres, des mémoires, des articles. Il est difficile de trouver tous les documents écrits qui corres-pondent aux différents centres de culture, difficile aussi de recevoir les enseignements qui donnent la meilleure échelle de structures. Plus la culture scientifique se développe et plus on saisit le déficit du ratio-nalisme enseignant. Pour les cultures à pauvre structure comme la littérature ou l’histoire, le problème n’a pas la même acuité. Tout homme cultivé est apte à lire à peu près tous les livres d’une telle cul-ture. En philosophie même, un livre difficile doit pouvoir être abordé comme un début. Tous les grands livres de la philosophie sont, par essence, des premiers livres. Le livre de science se propose au contraire à un niveau de culture déterminé. Parfois il ne peut être lu sans une très longue préparation. Un livre de sciences se présente ainsi dans une avenue de livres.

Si l’on écoute les doléances des travailleurs scientifiques, on devra reconnaître le caractère réel, voire banal, des présentes remarques. Mais ces remarques apparaîtront plus nettement caractéristiques de notre temps, si on compare la situation présente à une situation plus ancienne. Par exemple, si l’on veut examiner la situation de la science newtonienne en France dans le courant du XVIIIe siècle, on pourra vraiment faire une revue exacte des œuvres, on pourra donner un récit historique convenable en s’appuyant sur un catalogue de livres assez complet pour traduire la « situation » de la science. On serait bien en peine si l’on devait donner une description exacte de la science écrite d’une notion contemporaine de la physique comme par exemple la notion de neutron ou la notion de spin. On s’apercevrait vite que de telles notions se présentent actuellement dans des échelles diverses de difficultés, dans des échelles mal déterminées, sans que l’on ait un bon guide dans le choix des valeurs dominantes.

On le voit, l’ordre des livres apparaît comme un ordre humain nouveau, un ordre beaucoup plus délicat que cet ordre de la nature qui donnait un facile objet à la physique du XVIIIe siècle. L’ordre de la nature ! heureux concept d’une heureuse culture en sa jeunesse, en ses ébauches, en sa philosophie.


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