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Carlo Michelstaedter – Dialogue entre l’adolescent et l’homme

sábado 26 de agosto de 2023, por Cardoso de Castro

      

L’adolescent. Moi je sens en moi deux hommes, l’un qui veut le plaisir, l’autre le bien. – Comme je satisfais tantôt l’un tantôt l’autre, ma vie est diverse.

L’homme. Mais le bien est-il plaisant ou non?

L’adolescent. Oui, autrement ce ne serait pas le bien.

L’homme. Et le plaisir, qu’est-ce que c’est?

L’adolescent. C’est le fait de posséder des choses plaisantes.

L’homme. Quand tu as satisfait le «moi» qui veut le plaisir, il ne te manque plus rien alors?

L’adolescent. Si, car tout ne vient pas en une seule fois.

L’homme. Alors le «moi» qui veut le plaisir ne veut pas toujours la même chose, mais tantôt l’une, tantôt l’autre?

L’adolescent. Oui.

L’homme. Pourquoi alors l’appelons-nous le moi   et non les «mois», s’il est à chaque fois différent. Veux-tu que nous en parlions ainsi?

L’adolescent. D’accord.

L’homme. Ces «mois» sont tous toujours insatisfaits, sauf un: celui qui se satisfait.

L’adolescent. C’est logique.

L’homme. Et celui qui se satisfait est lui aussi insatisfait tant qu’il ne s’est pas satisfait?

L’adolescent. Oui.

L’homme. Et quand il s’est satisfait il ne parle plus, de sorte que nous pouvons dire que, tant qu’il a une voix, c’est qu’il ne s’est pas satisfait.

L’adolescent. Oui.

L’homme. Alors tous les «mois» parlent d’une seule voix: l’insatisfaction, même quand tu t’efforces de les satisfaire.

L’adolescent. C’est ce qu’il semble.

L’homme. Et le bien, n’en satisfait-il qu’un seul, ou peut-il les satisfaire tous?

L’adolescent. Il les satisfait tous, si c’est le bien.

L’homme. Alors la voix de tous les mois ne s’unifie pas dans le fait de réclamer ce qui satisfait l’un ou l’autre des mois, mais dans le fait de réclamer le bien.

L’adolescent. Il semble, oui.

L’homme. Alors cette voix est la même que celle de l’autre moi que tu disais être le meilleur, celui qui justement veut le bien.

L’adolescent. Oui, c’est ce qu’il me semble.

L’homme. Alors, à partir de la multiplicité de tes mois, qui croient se satisfaire de différentes manières mais n’y parviennent pas – il sort une seule voix qui, en niant chaque fois les satisfactions particulières et illusoires, réclame le bien qui les satisfera tous. Et comme dans ce bien tu serais un, en fait toute ta personne n’est que la volonté d’être un homme.


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