Página inicial > Antiguidade > Festugière (HMP:17-18) – Aspect formel des mystiques de salut

Antiguidade

Festugière (HMP:17-18) – Aspect formel des mystiques de salut

Hermetismo

quinta-feira 10 de agosto de 2023, por Cardoso de Castro

      

Extrait de « Hermétisme et Mystique païene »

      

1. Si le monde, régi par l’Heimarmene  , est mauvais, tout ce qui, dans l’homme, est du monde, est mauvais aussi, du moins entaché de mal. Or la partie cosmique de l’homme n’est pas seulement son corps, hylique par définition, mais aussi son âme liée au corps et, dans cette âme, la raison raisonnante, laquelle est bien capable de connaître ce qui est à l’intérieur du monde, mais non pas de s’élever, au-dessus du monde, jusqu’à l’appréhension du vrai Dieu   hypercosmique. Le pessimisme à l’égard du monde conduit ainsi à un pessimisme, plus ou moins radical, à l’égard de la raison humaine. L’homme ne peut donc se sauver pas les seules forces de la raison: il lui faut une aide étrangère, une grâce divine.

α. Cette grâce divine se manifeste d’abord dans l’ordre de la connaissance. Puisque la raison humaine est incapable d’atteindre Dieu, Dieu ne sera connu que s’il se révèle. La connaissance de Dieu sort donc ici du plan logique ou intellectuel et d’une mystique qui, tout en dépassant ce plan, le prolonge sur une même ligne, pour entrer dans le domaine de la gnose (essentiellement gnosis   theou), qui est une connaissance de foi: on croit à la révélation ou l’on refuse d’y croire.

β. La grâce divine se manifeste en second lieu dans l’ordre de l’action. Ceux qui ont cru en lui, Dieu les protège durant leur vie, en leur accordant un daimon   paredros, en les aidant à bien agir.

γ. Elle se manifeste enfin, et c’est son bienfait le plus considérable, dans l’ordre des fins dernières. Une fois mort, le [18] croyant fidèle remonte vers le Dieu Sauveur, il franchit tout l’espace du monde au-dessous et au-dessus de la lune   pour atteindre, dans la région hypercosmique, le Dieu caché.

2. Ainsi se constitue un peuple d’élus, d’appelés. Ils ont reçu la vérité, y ont cru, et dès lors se distinguent absolument de la masse. Mais le don qui leur a été fait leur impose en retour des devoirs. La révélation est un secret (mysterion  ) qu’ils ne doivent pas divulguer (publicare, diaballein) [1] ou ne peuvent transmettre qu’aux «dignes».

3. Dans les mystiques considérées plus haut (A, B I), mystique de l’Être, contemplation des astres, union à la Raison immanente au cosmos, c’est un mouvement de connaissance qui menait à l’adoration: colit qui nouit. Les voies de négation, d’extase (plotinienne) ou d’analogie sont toutes, selon leur mode propre, des méthodes théorétiques d’union à Dieu. Dans les mystiques de salut, ce processus   est renversé. Comme ces mystiques se fondent sur un sentiment pessimiste des possibilités de l’intellect humain, loin que la connaissance intellectuelle puisse mener à l’union divine, la gnosis theou dérive au contraire d’une expérience religieuse qui prend le plus souvent la forme d’une vision. On a quitté le plan de la sagesse philosophique. Connaître Dieu est désormais affaire d’initiation, de théurgie ou de magie: nouit qui colit.


Ver online : A.-J. Festugière


[1Toute divulgation est une fausse représentation, et donc une sorte de diabole.