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Xivaísmo de Caxemira
Abhinavagupta: l’ignorance spirituelle et intellectuelle
LA LUMIÈRE SUR LES TANTRAS
terça-feira 5 de setembro de 2023
36. La connaissance et l’ignorance se présentent chacune, selon l’enseignement de Śiva, sous deux formes distinctes : l’une spirituelle (paurusha), l’autre, intellectuelle (bauddha).
37-38. L’ignorance spirituelle est ce que l’on nomme impureté (mala). Relevant de l’esprit , elle est le voile qui cache notre propre nature sivaîte, laquelle est activité et conscience en leur plénitude. [Cette ignorance] procède, en effet, d’une activité et d’une conscience contractées. Elle est propre à l’être asservi et ne relève pas du domaine différencié, ni de l’intellect, car elle n’a pas pour fonction la détermination (adhyavasāya), etc.
Jayaratha cite ici les śloka 15 et 16 du Paramārthasāra [1] : « La déesse Māyā śakti , l’Énergie d’illusion, est l’autonomie suprême du grand Seigneur. Elle réalise des choses extrêmement difficiles. Elle est le voile qui recouvre le Soi de Śiva. » (15)
« Dès que, sous l’emprise de l’illusion, la conscience d’éveil (bodha) est souillée, elle devient une âme individuelle (pumân), un être asservi. Elle est liée par le temps, la détermination, la restriction et au moyen du désir et du savoir [limité]. » (16)
Selon le śloka 37 et cette dernière citation, mala, que nous traduisons, conformément à l’usage courant, par ‘impureté’ ou ‘souillure’ (et donc l’adjectif malita, par ‘impur’, ‘souillé’), ne correspond pas, dans les traditions sivaîtes, à ce que nous entendons ordinairement par ces mots. Le mala n’est pas une impureté résultant d’un acte ou d’un contact impur : c’est une impureté liée à la condition naturelle même de l’être humain vivant en ce monde, lequel est décrit comme un anu, un ‘atome’ spirituel, c’est-à-dire une entité délimitée, coupée par sa nature même de la totalité divine. Les textes nomment d’ailleurs ‘ânavamala’ ou ‘sahajamala’, cette impureté essentielle, constitutionnelle ou naturelle.
L’être soumis au mala, soit tout être humain, n’est impur qu’en tant que sa nature limitée le coupe de la pureté divine, de la suprême Conscience. C’est pourquoi Abhinavagupta nomme mala l’ignorance spirituelle propre à l’être incarné.
39-40. « Cela, je le connais ainsi » : quand apparaît une telle notion déterminée, causée par le reflet [de la lumière] dans l’individu entravé par les six ‘cuirasses’, on dit qu’une telle connaissance est ‘ignorance [intellectuelle]’. Ignorance spirituelle et ignorance intellectuelle se renforcent mutuellement.
Quand la connaissance ne porte pas sur cela seul qui doit être connu, Śiva ou le Soi universel, elle est limitée. Située au niveau de buddhi , l’intellect, elle n’est qu’intellectuelle, imparfaite car entravée par les cinq cuirasses (kañcuka) enserrant le soi limité : kāla, le temps, niyati, la restriction ou nécessité, [87] rāga, l’attachement, vidya , le savoir limité et kalâ, la limitation, à quoi s’ajoute māyā, ce qui fait six.
41. Quand s’épuisent les tendances inconscientes (samskāra) de l’être asservi et qu’il obtient l’état suprême, la connaissance spirituelle (vijñānampauruşam) qui s’épanouit alors est une connaissance sans différenciation, [apte à effacer alternative et dualité]. (p. 86-87)
Ver online : LA LUMIÈRE SUR LES TANTRAS
[1] Cf. Le Paramārthasāra d’Abhinavagupta, traduction et introduction par Lilian Silburn, p. 68 (Paris, de Boccard, 1957, réimpr. 1986).