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La pensée d’Héraclite d’Éphèse

Abel Jeannière: Heráclito e Parmênides

sábado 22 de julho de 2023, por Cardoso de Castro

      

Abel   Jeannière, La pensée d’Héraclite d’Éphèse, Aubier, 1959

      

« Héraclite   opère la gigantesque synthèse dont rêvaient ses devanciers. Aucune opposition qui ne soit aussi bien respectée que surmontée. L’Unité suprême est chez lui aussi transcendante que l’Apeiron   d’Anaximandre  , sans être pour autant étrangère à l’intelligence comme le dieu   de Xénophane  , et elle n’en est pas moins immanente aux êtres de l’expérience que l’eau de Thales ou l’air d’Anaximène. Le mouvement qu’Anaximène utilisait au plan phénoménal pour une explication à la fois mythique et mécanique du monde, devient ici une réalité métaphysique, il est principe au même titre que le feu... Prométhée n’était que le prophète de ce feu qu’Héraclite ramène du ciel. C’est le destin que l’homme ravit définitivement à Zeus  . La métaphysique est née.

Elle est née, mais elle reste liée à un réalisme outrancier. La pensée d’Héraclite est tendue vers la chose, tout entière abandonnée à un monde intelligible, diluée, comme le feu lui-même, dans les choses. Il ne faut ni, diminuer Héraclite, ni héraclitiser sur les fragments. Héraclite ne connaît vraiment ni la liberté, ni la personne, ni l’homme, ni le dieu, ni la conscience de soi, ni même le logos   dans lequel il enferme l’esprit   comme en des langes. Mais sa synthèse comporte deux découvertes de valeur extraordinaire pour l’avenir de la philosophie. Il place le mouvement en dehors du monde sensible   et parvient ainsi au véritable sens de l’Un; il connaît la valeur de la négation dans la connaissance, sans encore la distinguer du non-être relatif de la chose. (Abel   Jeannière, La pensée d’Héraclite d’Éphèse, Aubier, 1959, p.92-93.)


A. Jeannière s’en explique : « Il n’y a pas d’autre pensée que la communion au logos commun, dit Héraclite ; il faut que la connaissance soit calquée sur l’être, or cet être est mouvement, cet être est dialectique, le non-être existe aussi d’une certaine façon, ou plutôt n’existe que cet équilibre furtif d’être et de non-être : le mouvement. Et parce que la pensée imite l’être, qu’elle doit être identique à l’être, tout jugement inclut une négation; il faut nier pour connaître » (ib. 94-5).

Sans doute a-t-on pris la précaution d’écrire (mais était-ce une précaution suffisante?) : « S’il est permis de projeter sur Héraclite et sur Parménide   la lumière qui nous vient des pensées ultérieures de Platon et d’Aristote  , c’est uniquement dans la mesure où cette lumière nous aide à les déchiffrer en eux-mêmes et manifeste l’extension et la portée de leur philosophe; mais il faut se garder de toute déformation, il faut se garder surtout de résoudre... avec des principes qu’ils ignorent les problèmes qu’ils se posent eux-mêmes ou qu’ils posent à leurs lecteurs modernes » (p. 94).


« C’est toute la synthèse héraclitéenne qui se trouve niée, dans son fondement même par le poème de Parménide. Parménide s’oppose au : réalisme d’Héraclite et formule une exigence intérieure à la pensée elle-même. Il se penche sur la nécessité interne du jugement et suscite une nouvelle antinomie, alors qu’Héraclite pouvait légitimement croire les avoir toutes surmontées. La dialectique héraclitéenne ne laissait rien en dehors de son cercle, rien sauf le refus de la dialectique elle-même; et Parménide la nie. C’est toute la métaphysique d’Héraclite qui se trouve d’un coup opposée à l’intériorité même de la pensée, saisie d’ailleurs de façon toute formelle encore par les Éléates. Héraclite proclame l’identité de l’être et de la pensée, mais elle n’existe que dans la parfaite soumission au logos qui est cosmique. A son tour, Parménide va proclamer l’identité de l’être et de la pensée, mais il la trouve dans l’intériorité même du jugement. Si la pensée est l’être, rien de ce qui change n’est vraiment, ni n’est vraiment pensable. L’identité, dirions-nous aujourd’hui, cesse d’être dialectique et s’oppose contradictoirement à l’identité dialectique accueillante au relatif et à la négation. »

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